René l’énervé – Théâtre du Rond-Point
Attention, cette chronique n’est pas de droite. Elle n’est pas de gauche non plus me direz-vous. Elle pourrait être centriste (si tant soit peu ce courant existe vraiment) mais on la préfère apolitique. Qu’en est-il en revanche avec ce René, l’énervé ? Pour comprendre la nouvelle production de Jean-Michel Ribes créée au sein de son théâtre, le Rond-Point des Champs-Elysées, il faut se poser plusieurs questions.
Première question
La première question, et non des moindres, est de se demander où est passé le Jean-Michel Ribes des années Palace et de Musée Haut, Musée Bas, version théâtrale ? On connaissait l’auteur absurde et satirique de grand talent mais peu son côté farceur et loufoque. C’est chose faite avec René l’énervé, défini comme un opéra bouffe et tumultueux. Depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir, jamais les humoristes n’ont bénéficié d’autant de liberté (surveillée) pour se moquer de la politique et de ses travers. On avait droit à des Stephane Guillon et Anne Roumanoff et voilà que Jean-Michel Ribes, dans son style, vient rejoindre la troupe de ces hurluberlus qui s’affligent quotidiennement.
Deuxième question
Jean-Michel Ribes et Reinhardt Wagner sont-ils les dignes descendants d’un Henri Meilhac, Ludovic Halévy et Jacques Offenbach ? Il vaut mieux éviter la comparaison. Que l’on s’entende bien, René l’énervé est un opéra bouffe de son temps, dans lequel la rime la plus cocasse subjugue par moment mais plombe l’atmosphère à force de répétition, de situations convenues et de raccourcis.
Des clichés, il y en a à tire-larigot et ils atteignent rarement ceux décris quotidiennement dans Le petit journal sur Canal +, autre programme satirique. Petit tour d’horizon pour mieux saisir cette dérision : Claude Guéant est représenté sous les traits d’un nazi contemporain (il s’appelle Hurtzfuller), Cécilia en femme panthère hystérique, Martine Aubry en dépressive esseulée tandis que Jacques Séguéla est un Monsieur Loyal nouvelle génération. Autour d’eux, il y a donc René, ancien épicier reconverti en maître de la nation (et d’un nouveau Reich ?) interprété avec énergie et passion par Thomas Morris.
Troisième question
Viens alors la dernière question, Jean-Michel Ribes a-t-il un tant soit peu de compassion pour Nicolas Sarkozy ? La réponse est oui et cela se perçoit à travers la présence d’un double de René plus effilé, dénonçant la schizophrénie (possible) de notre président. Seul problème, cette présence vient contrebalancer toute l’aigreur de Jean-Michel Ribes et son dégout de la politique. On peut d’ailleurs le comprendre aisément sur ce dernier point qu’il arrive à nous faire partager dans le fond. Heureusement, sa troupe vient rehausser le niveau par sa conviction et de belles prononciations. A toutes ces questions, il n’y a finalement qu’une seule réponse et solution, le retour de Jean-Michel Ribes à deux genres où il excelle : l’absurde et le non-sens.
Edouard Brane (Twitter: Cinedouard)
A lire sur Artistik Rezo :
– la critique de René l’Enervé par Gaëlle le Scouarnec
– les meilleures pièces de théâtre de la rentrée 2011
René l’énervé
Auteur et metteur en scène : Jean-Michel Ribes
Avec Sophie Angebault, Caroline Arrouas, Camille Blouet, Sinan Bertrand, Gilles Bugeaud, Claudine Charreyre, Benjamin Colin, Till Fechner, Emmanuelle Goizé, Sophie Haudebourg, Sébastien Lemoine, Jeanne-Marie Lévy, Thomas Morris, Antoine Philippot, Rachel Pignot, Alejandra Radano, Guillaume Severac-Schmitz, Fabrice Schillaci, Gilles Vajou, Jacques Verzier et Benjamin Wangermée
Compositeur : Reinhardt Wagner
Violon : Emelyne Chirol // piano : Laurent Desmurs // guitare et percussions : Jean-Yves Dubanton // clarinette et saxophone baryton : Ghislain Hervet // violoncelle : Maëva Le Berre // violon : Noémie Poumet // saxophone, flûte et accordéon : Dominique Vernhes
Vidéo : Pierrick Sorin // scénographie : Patrick Dutertre // costumes : Juliette Chanaud // lumières : Fabrice Kebour // chorégraphie : Lionel Hoche // son : Samuel Gutman, Guillaume Monard // perruques et maquillages : Cécile Larue // orchestration : Steve Journey, Reinhardt Wagner // création des têtes de cerfs : Anna Deschamp, Sean Dubar // direction musicale : Delphine Dussaux // assistante à la mise en scène : Virginie Ferrere
Du 7 septembre au 29 octobre 2011 à 21h
Dimanche, à 15h
Relâche les lundis et le 11 sept.
Tarifs : de 18 à 36 euros (sur Internet)
Théâtre du Rond Point
Salle Renaud-Barrault
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
M° Franklin D. Roosevelt ou Champs-Élysées Clemenceau
[Visuel haut : René l’énervé Opéra bouffe et tumultueux. © Stéphane Trapier // Crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi]
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