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Interview de Myriam Boyer

15 mai 2014
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myriam_boyer
Riviera

Mise en scène : Gérard Gélas

De : Emmanuel Robert-Espalieu

Avec Myriam Boyer, Edwige Lemoine, Clément Rouault

Les Déchargeurs 
3, rue des Déchargeurs 
75001 Paris 
M° Châtelet

www.lesdechargeurs.fr

Entière, généreuse et exigeante, la talentueuse Myriam Boyer, lauréate de deux Molières, a derrière elle un riche parcours, à la fois comédienne au cinéma, à la télévision et réalisatrice. Sur les planches du théâtre des Déchargeurs, dans la pièce Riviera, elle défend avec passion la chanteuse Fréhel, étoile d’avant Piaf au destin tourmenté, qui rayonnait sur le Paris de l’entre-deux-guerres. Pour Artistik Rezo, elle revient sur ce rôle.

Comment est-ce que vous avez découvert le texte d’Emmanuel Robert-Espalieu et qu’est-ce qui vous a donné envie de l’interpréter ?

Myriam Boyer : C’était une évidence parce que, pour moi, Fréhel est une chanteuse que j’ai toujours eue dans la peau. Toute petite, je chantais des chansons de Fréhel. J’étais dans un milieu populaire et on était élevé un peu là-dedans. Et quand on m’a parlé de Fréhel, ça a fait le flash de parler de cette femme qui est absolument étonnante, vraiment étonnante.

Apparemment, vous ne vous lassez pas de cette pièce !

Myriam Boyer : Je n’arrive pas à la lâcher [rires] ! On va en être à 150 représentations et c’est vrai que je n’arrive pas à la lâcher !

Qu’est-ce qui vous plaît dans le caractère de Fréhel ?

Myriam Boyer : Je me suis toujours sentie très proche, je crois, des « sacrées bonnes femmes ». C’est des bonnes femmes avec un parcours qui est singulier et c’est vrai que les gens comme ça, qui ont une vie où ils brûlent la chandelle par les deux bouts, comme on dit, ça me fascine quelque part. Pour moi, c’est des artistes qui ne font pas attention à eux-mêmes, c’est assez formidable !

Vous vous retrouvez dans ce personnage ?

Myriam Boyer : C’est obligé. Toutes les femmes qui en ont pris plein la gueule m’intéressent.

La pièce aborde ce thème : pensez-vous qu’il faille une dose de souffrance pour être un artiste talentueux ?

Myriam Boyer : Non ! Non, je ne pense pas. Souvent ça se tient parce qu’automatiquement vous avez une fragilité. Mais quelqu’un qui a une fragilité dans la vie peut se casser. L’artiste, avec la sensibilité qu’il a, son hypersensibilité,  tout est un peu énorme. Et là, au théâtre, on peut transcender. C’est pour ça aussi que j’aime ces personnages, pour moi, c’est des tragédies modernes. Quand vous lisez une tragédie, c’est pareil vraiment, c’est des gens qui ont une histoire et ça donne la possibilité de se transcender, ça donne la possibilité à l’acteur d’aller encore plus loin…

Curieusement, j’ai relevé de nombreux points communs entre votre rôle dans la pièce Riviera et celui de votre fils, Clovis Cornillac, dans son récent spectacle La Contrebasse : dans les thèmes abordés, ces failles qui caractérisent les artistes, et dans votre jeu, à la fois subtil et très juste. Qu’en pensez-vous ?

Myriam Boyer : Ça me touche, c’est la première fois que je l’entends ! Et quand vous le dites : c’est possible ! Evidemment, on ne se voit pas, on ne se sent pas. Oui, c’est possible ! Maintenant, je me dis c’est possible, oui, oui, oui c’est possible ! Peut-être que c’est dans les gènes où il y a quelque chose sûrement qui se passe. On doit partager sûrement à un endroit…

Comment décririez-vous votre façon de travailler ?

Myriam Boyer : Elle est particulière, c’est vrai. Solitaire, je dirais d’abord. Ce n’est pas évident, parce que, même pour moi, j’ai du mal à savoir par quel bout je prends tout ça. Et ça fait longtemps. Dès que je me suis un petit peu trouvée entre guillemets dans mon travail, j’ai une façon un peu particulière de travailler. Je déblaie d’abord, tout ce qui me dérange, comme dans un jardin où il y aurait des mauvaises herbes, j’enlève, j’enlève, je trace, je trace, c’est embrouillé et puis à un moment ça devient clair et j’ai l’impression qu’il n’y a plus que le nécessaire qui reste.

L’exigence artistique vous caractérise ?

Myriam Boyer : Oui, je ne m’en rendais pas compte ! Longtemps on m’a dit : « Oui, mais tu sais, tu dis non. » J’avais tellement l’impression que c’était l’évidence de ne pas faire certaines choses. C’est plutôt par là que ça se passe. C’est plutôt dans le côté « non, j’ai pas envie » que dans le côté « j’aimerais bien faire ça ». Quand ça m’arrive, c’est évident. Et alors, après, je me bats comme une lionne ! Quand il y a un sujet, un personnage qui me plaît, je me bagarre. C’est plus de 40 ans de bagarre ! C’est pas cool ! [Rires]

Vous aimez particulièrement les auteurs comme en témoigne votre carrière ?

Myriam Boyer : Oui. J’ai souvent créé des pièces, très souvent. Et j’aime bien justement le fait qu’on ne sait pas ce que c’est. On ne sait pas ce que c’est, un texte de théâtre. Ce n’est pas évident et j’adore ça, j’aime bien les auteurs, j’aime bien découvrir et j’aime bien les faire partager après…

Et quels sont vos auteurs et vos artistes préférés ?

Myriam Boyer : Ce n’est pas très, très étonnant mais j’ai toujours aimé, depuis que je suis petite, les films avec Gabin. C’est souvent des hommes, c’est Simon… J’aurais rêvé être un homme, et à cette époque-là, pour jouer des rôles comme ça, je dois reconnaître. Parce que les femmes, il n’y en a pas tellement. J’arrive à les trouver, je suis un petit peu dans cette ligne de personnages forts et pas glamours. Normalement, ce n’est pas séduisant mais ça l’est dans un autre endroit de richesse de l’humanité, je dirais. J’aime les personnages humains donc, automatiquement, j’ai été branchée petite sur un cinéma réaliste que j’adore. Puis je dois reconnaître que mon passage avec Chéreau a été important. Parce que justement, quelque part, il aimait quand on avait une belle personnalité.

Vous avez une belle voix, pourquoi ne chantez-vous pas plus dans la pièce ?

Myriam Boyer : Alors, c’est la surprise ! A 65 ans, je découvre que je chante. Quand on m’a donné la pièce, j’ai dit : « Vous savez, je ne chante pas ». Des phrases de chansons venaient ponctuer le texte. Et c’est vrai que c’est très joli. Je me suis dit : « Bon, je vais les dire. » Et puis après, j’ai voulu les entendre. J’ai posé ma voix dessus et je les ai chantées. Donc, en fait, j’ai fait un travail complètement à l’envers. C’est vraiment le hasard ! Et je dois reconnaître que j’adore ça ! Tous les soirs, je crois que ça fait partie du plaisir ! 

Je chantais, petite, mais comme ça… Mon père me mettait sur les tables de bistrot comme Fréhel. Mais pas pour faire la manche. Parce qu’il était fier… J’avais un petit public et je chantais ce genre de chansons. C’est vrai que c’était marrant et j’ai toujours eu une voix comme ça, comme si j’avais fumé. Et donc ça donne quelque chose, sûrement, sur ce genre de chanson qui est intéressant. Je ne me suis pas privée et puis je me fais plaisir.

Vous avez une carrière très riche et diversifiée, vous êtes comédienne et vous faites aussi de la réalisation. Qu’est-ce qui vous attire dans ces domaines respectifs ?

Myriam Boyer : Alors attention ! Je ne réalise que des choses qui me tiennent vraiment à cœur, c’est-à-dire que, pour moi, je ne réalise pas, je pousse mon travail de comédienne au maximum. Donc, évidemment, je fais mes images, d’où la production aussi quand j’avais fait mon long métrage parce que personne n’aurait voulu y aller. C’est plutôt mon métier de comédienne qui va au bout du bout de ce que je peux faire. Mais ce n’est pas dans le côté « je vais faire un film ». Je n’ai pas envie de faire un film. Et pareil quand j’ai fait La Vie devant soi pour Arte, j’ai adapté La Vie devant soi, je l’avais joué 500 fois. 

Auriez-vous quelques annonces à faire concernant votre actualité ?

Myriam Boyer : J’ai une très, très belle annonce, c’est Le Chat. Il faut attendre encore un petit peu. C’est un film avec Gabin et Signoret ; ils ont adapté le roman, pas le film, et c’est génial. Je vais faire ça avec Benguigui et avec Didier Long qui va refaire la mise en scène comme on avait fait avec La Vie devant soi.

Propos recueillis par Jeanne Rolland



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