Wladimir Anselme
Chanteur avant tout le reste
Artiste pluridisciplinaire, passant de la chanson à la vidéo, de la création radiophonique au graphisme, c’est comme chanteur que Wladimir Anselme se définit, avant toutes choses.
Cet autodidacte fait ses débuts dans la chanson à l’âge de seize ans. Entre cabarets et salles de concerts, il écume les scènes pour enfin sortir, en 1999, son premier album « Mauvaises Herbes » ; « au moment de ce premier disque, je ne voulais vraiment pas faire un album de chansons, je ne supportais pas quatre mesures d’affilées, j’écoutais Michel Portal, John Coltrane …». Ce premier disque orchestré par Bernard Struber sonne sur des accords de jazz, mais, pourtant, comme il le dit, il ne fait pas de jazz. « Mauvaises Herbes était bien plus radical que ce que je voulais faire au départ (…). J’ai vraiment une culture de chansons françaises et lorsque j’ai découvert Coltrane, j’ai trouvé la même violence que chez Léo Ferré. J’aimais les choses alambiquées, c’est pour ça qu’un orchestre de jazz me convenait. »
Jusqu’en 2006, Wladimir Anselme poursuit sa collaboration avec ce même orchestre. Sort « Deuxième Round » (2003) en autoproduit. Puis, une envie de changer de musique, de façon de travailler, donnera naissance aux Atlas Crocodiles, qui l’accompagnent aujourd’hui. Avec les Atlas Crocodiles, W.Anselme est « emmené vers des territoires » qu’il ne connaissait pas.
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En 2011 sort son troisième album, « Les Heures Courtes ». Véritable changement stylistique, aussi bien dans le texte que dans la musique. Entre épuration du mot et mélodies envoûtantes, Wladimir Anselme entouré des Atlas Crocodiles, livre un travail accessible qui n’en est pas moins malicieux.
L’épuration stylistique
« Trouver un seul mot qui les signifie tous », voilà le protocole auquel s’attelle Wladimir Anselme. Cette volonté d’épuration fut un travail de dix ans, dit-il.
« À l’époque de Mauvaises Herbes, il ne fallait pas une parcelle de secondes dépourvue de sens, je pense que j’avais une envie de trop plein, lorsque je le réécoute, je trouve ça bavard … », l’épuration « est une évolution due à mes changements de goûts musicaux, et puis le plaisir de faire des trucs qui ressemblent vraiment à des chansons. Après, cette épuration me permettra peut-être de revenir à des choses plus expérimentales mais de manières moins chien fou, plus intelligentes. Aujourd’hui, j’ai envie que le côté expérimental ne se voit pas, qu’il soit souterrain, qu’il soit l’architecture pour rendre les choses faciles d’accès. »
Bien que la notion de poésie soit omniprésente dans l’écriture d’une chanson, Wladimir Anselme qui dit, aujourd’hui, préférer Apollinaire à Breton qu’il affectionnait à vingt ans, tend à dédramatiser ce mot. « J’ai arrêté de me poser cette question, bien que cela m’intéresse, je ne sais pas où me situer par rapport à elle. Avant je m’interrogeais pour savoir si l’on naissait poète, si on était poète, si je faisais de la poésie. Maintenant je m’en soucie moins. J’aime aller chercher la poésie là où on ne l’attend pas. »
Parce que l’épuration est un travail de persévérance, Wladimir Anselme travaille le mot, jusqu’à ce que celui-ci soit juste. Il confie avoir mis beaucoup de temps à écrire la chanson des Heures courtes, chanson pourtant très concise, ayant pour volonté l’osmose entre la mélodie et le texte. Si cette épuration caractérise le texte, elle caractérise également l’enregistrement du dernier album.
Chez Wladimir Anselme, il y a une notion de cinéma. Faisant des va-et-vient entre l’image cinématographique et la chanson, sur scène, il mélange ses créations, donnant à écouter le scénario. Bien qu’il renie la théâtralisation dans sa performance scénique, elle n’en est pas moins théâtrale. Le spectateur est alors face à une représentation, le chanteur devient acteur de son propre film donnant à imaginer les images du scénario qu’il réclame. Pour qualifier ces intermèdes, il emploie d’ailleurs plusieurs mots « poèmes, vignettes, scénettes, chansons sans musique. »
Du texte à l’image
Pour lui la notion de scénario « intervient de manière très triviale ». « Depuis que je fais des films (vidéos) certains textes sont devenus des chansons. Toutes mes chansons explorent un sentiment. Je crée une mise en situation, avec un personnage, une histoire. J’essaie de raconter une histoire plus que d’écrire un scénario, car je ne sais pas écrire un scénario, j’explore des moyens de narration. »
Bien que Wladimir Anselme développe une création vidéographique depuis plusieurs années, il ne pense pas la vidéo comme pouvant être un support à ses chansons. La raison en est très simple nous dit-il, «j’ai beaucoup de mal à mettre des images sur mes chansons, j’aime la richesse des images découlant des mots, j’aurai l’impression d’aplatir le texte si je donne à en voir mes images. » Devant cette peur de l’appauvrissement de l’un sur l’autre, il évoque pourtant la pensée d’une création totale qui consisterait à penser la création de la vidéo et la chanson en symbiose.
Une expérience vidéographique
L’imaginaire vidéographique de Wladimir Anselme est reconnaissable. Involontairement, il a développé, de façon solitaire ou en collaboration, une esthétique de l’image et du sujet.
« J’écrie mes films par l’image, pas avec un stylo. Comme une chanson s’écrit avec une guitare, mes films s’écrivent avec une caméra. J’ai besoin de fouiller l’image par la caméra avant d’écrire des dialogues. » Bien qu’il ne se questionne pas sur l’esthétique de l’image, c’est essentiellement avec la caméra d’un téléphone portable que Wladimir Anselme bricole ses films.
C’est avec Benjamin Abitan, Armelle Dumoulin et Nicolas Flesch que naissent ces projets vidéographiques. « On avait lancé l’idée de faire un feuilleton qui n’était au départ que théâtral, dans un cabaret. On décidait la veille d’une situation et on jouait. Ça venait de l’envie d’avoir une écriture jetable ». Puis la rencontre avec Sylvain Airault a donné le goût du montage, qui est pour Wladimir Anselme « une mère des arts, où tout se réunit. »
Peu à peu, ensemble, ils développent un cinéma de l’instant, créant au jour le jour dans des festivals des feuilletons itinérants, où l’ensemble des habitants prend part au film. Wladimir Anselme évoque « les premiers temps du cinéma » pour caractériser ce travail.
Ces débuts vidéographiques sont aussi ses premières collaborations d’écriture.
C’est pour le Forum des Images que Wladimir Anselme va travailler sur l’écriture vidéographique. Développant non pas une réflexion sur l’esthétique de l’image, mais l’idée de bricolage avec les moyens du bord, il va créer « Molinaro ». Série de feuilletons entre polar et western loufoque, où la question de la figure du héros s’impose. Pour évoquer l’essence de ce projet, Wladimir Anselme cite Brecht, dans La Vie de Galilée « Malheureux le pays qui n’a pas de héros! / Malheureux le pays qui a besoin de héros. »
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En toute simplicité, Wladimir Anselme ne cherche pas à faire œuvre, la notion de plaisir est au cœur de cette production vidéographique : «je n’essaie pas de faire de l’art contemporain, je m’amuse. J’ai raconté les histoires de la manière dont je sais le faire. C’est un objet filmique, mais avec une volonté de discours littéraire», dira-t-il.
En vidéo comme en chanson, Wladimir Anselme cultive l’idée de faire passer «en douceur quelque chose de grave. »
Et puis…
Ses collaborations vidéographiques, Wladimir Anselme les poursuit sur les ondes radiophoniques. Toujours avec Benjamin Abitan, Armelle Dumoulin et Nicolas Flesch, a été écrite La Vésicule Merveilleuse (diffusion France Culture)*. Reprenant les mêmes procédés d’écritures vidéographiques, ils présentent une œuvre qui répond à l’actualité en dix épisodes. S’inspirant d’une nouvelle de Pierre Michon et de l’Enfer de Dante, ils proposent un objet radiophonique insaisissable.
De toutes ces expériences, Wladimir Anselme nourrit l’envie de nouvelles créations. Il évoque à la volée de nouveaux projets radiophoniques, cinématographiques et musicaux. Artiste à la création protéiforme, il a su se créer un univers où l’originalité et l’intelligence se réunissent.
round2.free.fr/
www.myspace.com/atlascrocodile
* La Vésicule Merveilleuse
Actuellement en diffusion sur France Culture,
Emission Fiction / Micro Fiction par Blandin Masson
www.franceculture.fr/emission-fictions-micro-fiction
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