Bertold Brecht
Bertold Brecht naît en 1898 en Bavière, dans une famille bourgeoise, catholique et protestante. Attiré très jeune par l’écriture, il publie son premier texte à l’âge de 16 ans. Alors que la première guerre mondiale fait rage, il entame, en 1917, des études de lettres et de médecine. Mobilisé comme infirmier, il découvre en 1918, l’horreur engendrée par le conflit.
A la même époque, Brecht signe sa première pièce, Baal (1918). Suivent Tambours dans la nuit (1919), distingué par le prix Kleist en 1922, Spartacus ou Dans la jungle des villes. L’auteur rompt avec sa famille et rejoint la capitale Berlin et le Deutsches Theater de Max Reinhardt.
Il y collabore avec la metteur en scène Hélène Weigel et s’associe également à Elisabeth Hauptmann, sa maîtresse. Brecht écrit abondamment et accède bientôt à la notoriété. A noter, les œuvres Homme pour homme (1927), et Grandeur et décadence de la ville de Mahagony, qui suscite une polémique. L’Opéra de quat’sous triomphe en 1928. Le public allemand découvre l’esprit de révolte d’un auteur engagé, aux convictions marxistes et anti-nazies.
En cette époque tourmentée, afficher des opinions marxistes et antinazies n’est pas de tout repos. Brecht en paie largement le prix. Dès 1930, les nationaux socialistes s’attaquent à ses représentations. Hitler accède au pouvoir en 1933 et son œuvre est jeté aux flammes, lors de l’autodafé du 10 mai. Le dramaturge n’a d’autre issue que celle de l’exil. Il se voit d’ailleurs déchu, en 1935, de sa nationalité allemande. Après un séjour en Suède et en Finlande, l’apatride s’installe en 1941 aux États-Unis. S’ouvre alors une période créatrice féconde. Il signe les œuvres La Vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Bonne Âme du Se-Tchouan, La Résistible Ascension d’Arturo Ui, ou Le Cercle de craie caucasien. L’artiste travaille également à Hollywood où il écrit le scénario antinazi du film réalisé par Fritz Lang, Les bourreaux meurent aussi (1943). Dans le Petit Organon pour le théâtre (1948), Brecht élabore et explique sa théorie d’un théâtre épique. Il s’oppose à la tradition d’un théâtre d’identification, fondé sur la mimesis et prôné par Aristote dans La Poétique. Par l’intermédiaire d’un effet de distanciation, il cherche à « faire percevoir un objet, un personnage, un processus, et en même temps à le rendre insolite, étrange » afin que le spectateur prenne du recul par rapport à la réalité et prenne conscience de son existence, notamment politique.
La paix que Brecht semblait avoir trouvée aux États-Unis s’avère de courte durée. L’auteur est contraint à nouveau de fuir, sous la pression infligée par le climat de chasse aux sorcières. Interdit de visa pour la RFA, il s’établit alors en Allemagne de l’est. Avec sa femme, il y fonde la célèbre troupe du Berliner-Ensemble. Mais même en RDA, et malgré ses prises de position socialistes, on se méfie de l’écrivain. Son théâtre ne serait pas assez conforme aux dogmes du réalisme socialiste. L’absence de héros ouvriers dans son œuvre, correspondant au modèle prôné par le régime, ou sa non adhésion au Parti socialiste, déplaisent fortement. Suite à la révolte des ouvriers, en juin 1953, Brecht rédige un célèbre poème, La Solution, et remarque : “J’apprends que le gouvernement estime que le peuple à ‘trahi la confiance du régime’ et ‘devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités’. A ce stade, ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre?”
En 1950, Brecht acquiert la nationalité autrichienne. En 1955, il obtient le prix Staline international pour la paix puis meurt à Berlin, un an plus tard, frappé par un infarctus. Il est considéré de nos jours comme un dramaturge incontournable afin d’appréhender le théâtre contemporain.
Jeanne Rolland
Bibliographie
- 1916 : Les Sermons domestiques
- 1918 : Jean La Chance
- 1918 : Baal
- 1919 : La Noce chez les petits bourgeois
- 1920 : Tambours dans la nuit
- 1922 : Dans la jungle des villes
- 1924 : La Vie d’Édouard II d’Angleterre
- 1925 : Homme pour homme
- 1926 : L’Enfant éléphant
- 1928 : L’Opéra de quat’sous
- 1929 : Le Vol au-dessus de l’océan
- 1929 : L’Importance d’être d’accord
- 1930 : Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny
- 1930 : Sainte Jeanne des Abattoirs
- 1930 : Celui qui dit oui, celui qui dit non
- 1930 : La Décision
- 1930 : L’Exception et la Règle
- 1931 : La Mère
- 1932 : Ventres glacés
- 1933 : Têtes rondes et têtes pointues
- 1937 : Les Fusils de la mère Carrar
- 1938 : Mère Courage et ses enfants
- 1938 : Grand-peur et misère du Troisième Reich
- 1938 : La Vie de Galilée
- 1938 : La Bonne Âme du Se-Tchouan
- 1939 : Le Procès de Lucullus
- 1940 : Maître Puntila et son valet Matti
- 1940-41 : Dialogues d’exilés
- 1941 : La Résistible Ascension d’Arturo Ui
- 1942 : Les Visions de Simone Machard
- 1943 : Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale
- 1945 : Le Cercle de craie caucasien
- 1947 : Antigone
- 1948 : Petit Organon pour le théâtre
- 1949 : Histoires calendaires
- 1949 : Les Jours de la Commune
- 1951 : La Dialectique au théâtre
- 1953 : Dom Juan (adaptation du texte de Molière)
- 1954 : Turandot, ou le congrès des blanchisseurs
- 1957 : Les Affaires de Monsieur Jules César
Citations
- « L’homme est bon, mais le veau est meilleur. »
- « La provocation est une façon de remettre la réalité sur ses pieds. » (Remarques sur grandeur et décadence de la ville de Mahagonny)
- « Malheureux les pays qui ont besoin de héros. »
- « Pourquoi aimerait-on d’un amour particulier le pays où l’on paie ses impôts ? »
- « Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient ; alors seulement on comprend son efficacité. » (Me ti, livre des retournements)
- « L’avenir de l’humanité n’a d’intérêt que vu d’en bas. »
[Visuel : Portrait de Bertolt Brecht, 1954. Bertolt BrechtADN-ZB/Kolbe 9.4.1980 [Datum Archiveingang] Bertolt Brecht geb. 10.2.1898 Augsburg gest. 14.8.1956 Berlin, Dichter, Theatertheoretiker und Regisseur. This file is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Germany license. Attribution: Bundesarchiv, Bild 183-W0409-300 / Kolbe, Jörg / CC-BY-SA]
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...