Venus and Adonis – Opéra Comique
Mais qui est donc John Blow ? De dix ans l’ainé de Henry Purcell, c’est à lui que l’on doit la composition de Venus and Adonis (1683), premier opéra anglais conçu pour le divertissement du roi anglais Charles II. Autant dire que cette œuvre courte (à peine une heure) a toute son importance au côté du Dido & Aeneas (1689) de Purcell.
Un peu plus tard, c’est Haendel qui s’imposera sur la scène lyrique anglaise et éclipsera avec le temps ce compositeur plus à l’aise dans la création d’odes et de musiques sacrées que dans le genre du semi-opéra, dit Masque.
Dream team baroque
Pour l’heure, c’est une équipe 100% baroque qui s’est constituée pour mettre en scène cette production où l’intime côtoie le tragique. A sa tête, Louise Moaty, élève d’Eugène Green et de Benjamin Lazar, tous deux ambassadeurs du renouveau baroque à qui l’on doit la résurrection sur scène des coutumes issues du XVIIe et XVIII siècles.
Rien de nouveau avec cette production, mais une magie qui s’opère toujours autant avec ces éclairages à la bougie, ces gestuelles soignées et ces danses précieuses et raffinées. Surtout, c’est l’art de l’élocution qui l’emporte avec l’utilisation d’un vieil anglais où l’ombre de Shakespeare rode de long en large.
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L’ombre de Shakespeare
C’est d’ailleurs par son Sonnet 43, récité par une jeune enfant, que s’ouvre ce spectacle suivi par l’Ode à Sainte Cécile, autre composition de John Blow et programmée comme prémices à l’opéra. Entre le deux, et en guise de transition, trois minutes de silence se font entendre dans la salle où seuls quelques pas de danse conçus par la chorégraphe Françoise Denieau résonnent à vide.
C’est ce moment suspendu qui surprend le plus, qui happe l’attention après une introduction que résume parfaitement ces vers shakespeariens : « Quel heureux spectacle formerait la forme de ton ombre, dans le clair jour à ta clarté plus vive, quand ton ombre éblouit les yeux qui ne voient pas ? »
Plainte de la mort
Ce que l’on voit sur scène, c’est surtout une forêt imaginaire, des chiens de chasse plus vrais que nature, des colombes symboles de pureté, des « petits cupidons » à la voix de soprano. Bref, autant de touches picturales qui rappellent les tableaux de Dürer, Rubens et Le Guerchin.
Pour les non-initiés, ce semi-opéra est une occasion parfaite pour découvrir les codes de l’art baroque. Selon ses propres goûts, on pourra aussi bien s’ennuyer que s’immerger dans un univers tragique et mélancolique. Mais ne pas fondre lors du troisième et dernier acte serait être sans âme.
Entendre le lamento du couple Céline Scheen (Vénus) et Mac Mauillon (Adonis) au côté du Chœur de La Maîtrise de Caen fend le cœur. C’est sur cette note funeste que tombe le rideau. Mais quand il se lève à nouveau pour les saluts, c’est la beauté qui apparaît sur scène avec l’arrivée d’une metteuse en scène ravissante, colombe à la main, sourire radieux aux lèvres et acclamée par un public de connaisseurs conquis d’avance.
Edouard Brane
Twitter : Cinedouard
Venus and Adonis
Du 12 au 15 décembre 2012
Opéra Comique
5, rue Favart
75002 Paris
M° Richelieu Drouot ou Quatre Septembre
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