Le Messie – Oleg Kulik – Théâtre du Châtelet
Fallait-il être sous acide ou avoir fumé avant de venir découvrir cette version atypique du Messie de Haendel ? Après sa version décriée des Vêpres de la Vierge de Monteverdi, le Théâtre du Châtelet renouvelle l’expérience avec le plasticien Oleg Kulik. Vous ne le connaissez pas encore ? Vous n’allez pas tarder à le découvrir.
Spécialiste de l’animalité de l’homme, cet artiste russe a défrayé la chronique en se faisant passer pour un chien enragé dans les rues de Moscou en 1994. Depuis, il est détesté ou adulé comme le démontre avec précision ce portrait dressé par le site Slate.fr. Au-delà de ce coup d’éclat, Oleg Kulik n’en reste pas moins un artiste sensible qui s’interroge constamment sur l’homme contemporain. Son Messie est là pour le prouver bien que le grand mérite revienne au vidéaste Robert Nortik.
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Baroque / Classique
Les plus « baroqueux » d’entre nous ne seront pas ravis. Nulle présence d’instruments anciens ou d’Aria da capo haendélien mais une version du Messie à la sauce Mozart. Le compositeur autrichien reprend en 1789 (deux ans avant sa mort) cette partition — créée à Londres en langue anglaise par Haendel en 1742 — avec une version allemande en ayant recours à de nouveaux instruments et procédés (clarinettes, indépendance du basson…). Pour les habitués du chef d’œuvre de Haendel, la digestion est difficile (on les renvoie vers la vision admirable conçue par Claus Guth en 2009 à Vienne en DVD). Pour les autres, la curiosité s’installe. C’est ce que l’on a ressenti en ce soir de première où une partie de l’assistance a quitté son siège dès le premier acte. Parmi eux, certains confrères ont suivi le pas. Certes, le premier acte manquait cruellement d’énergie et la partie consacrée à la naissance du Christ ressemblait plus à un délire artistique (robotisation, décor métallique) mais la suite de l’oratorio ne laissa aucunement indifférent.
Robert Nortik : maître visuel
Entre conception 3D, effet bocal, rétrécissement et agrandissement de peintures et de retables religieuses multiples, les vidéos de Robert Nortik apparaissent envoutantes, peut-être trop chargées, mais hypnotiques. Il y a du Peter Greenaway lorsqu’il recrée les Noces de Cana à Venise en 2009. La fin du deuxième acte et le troisième sont visuellement les passages les plus aboutis. Le Chœur, parfaitement maîtrisé, est alors enfin présent sur scène (le reste du temps, il est dans la fosse orchestrale) et le passage de l’Alléluia demeure un instant puissant. Le final est quant à lui étourdissant. Comme quoi, tout vient à point à qui sait attendre. Autre réussite, la présence et le discours du philosophe Michel Serres qui a pourtant divisé. On ne peut rester pourtant indifférent à son discours pessimiste et alarmiste sur l’état du monde. Peut-être simpliste mais véridique : où quand la société du spectacle et la puissance des uns conduit à la perte des autres. Parmi les solistes, la soprano Christina Landshamer sort avec les louanges tandis que la mezzo-soprano Anna Stéphany manque de clarté et de portée. L’inverse du ténor Tilman Lichdi et de la basse Darren Jeffrey. L’Orchestre Philarmonique de Radio France et le chef Hartmut Haenchen sont en territoire connu avec cette version Mozartienne, ce qui se concevait naturellement. Au final, une vision controversée tour à tour ennuyeuse et saisissante.
Edouard Brane
A découvrir également sur Artistik Rezo, l’interview d’Alexandre Piquion, chef de choeur
Théâtre du Châtelet
Place du Châtelet
75001 Paris
M° Châtelet
www.chatelet-theatre.com
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