Interview d’Alexandre Piquion – Chef de Choeur – Le Messie
C’est un rôle qui n’est pas assez mis en avant et qui mérite que l’on s’y arrête davantage. Pour nous parler de la profession de chef de choeur, Alexandre Piquion est un interlocuteur idéal. Comme le démontre son site internet soigné et élégant, ce violoncelliste de formation considère que la communication joue un rôle majeur dans ses activités.
Outres ses talents de chef d’orchestre, Alexandre Piquion est depuis 2008 chef de choeur et assistant du chef d’orchestre au Théâtre du Châtelet. C’est à lui que l’on doit la direction du chœur dans des œuvres comme Véronique, La Generala, On the town, Pastorale, The sound of music ou encore A little night music.
C’est donc judicieusement que lui a été confié la direction du chœur pour la nouvelle production du Messie mise en scène par Oleg Kulik. Un défi de taille pour une œuvre rarement donnée dans la version orchestrée par Mozart. La langue passe en effet de l’Anglais à l’Allemand et les sonorités de la musique classique remplacent celle de la musique baroque par l’apparition d’instruments nouveaux pour l’époque. Explications :
Edouard Brane (Artistik Rezo) : Chef d’orchestre, violoncelliste, chef de cœur. Quelles différences existe-t-il entre vos trois fonctions ?
Alexandre Piquion : Chaque fonction est différente bien qu’un point commun les rassemble : celle d’appartenance à un groupe. L’objectif est alors d’emmener ce groupe le plus loin possible vers la précision. Pour un chef de chœur, l’exercice est différent puisque nous travaillons aussi sur un texte. Il y a donc aussi une préparation scénique et théâtrale liée à une mise en scène et à l’action du livret. Il faut aussi mentionner que le chef de chœur reçoit lui-même les directions du chef d’orchestre. Le chef de choeur se place donc dans la préparation et la transmission. C’est avant tout un travail d’équipe pour lequel on travaille sur l’anticipation, la tolérance et l’indulgence. Pour cette production conçue par le plasticien Oleg Kulik, la mise en scène est assez lourde et demande beaucoup de précision. Entre l’équipe technique, les musiciens, le chœur et les chanteurs, chaque minute de répétition compte.
Comment arrive-t-on avec peu de temps de répétition à un bon résultat ?
En communiquant le plus possible : en amont, pendant et après. En amont, nous devons être au courant de ce que les autres pôles ambitionnent tout en leur livrant aussi notre vision. Il faut anticiper au maximum. Il faut ensuite communiquer pendant car on est tous au service d’une même œuvre, c’est précisément là où tout se joue. Puis il faut savoir garder la tête haute, prendre du recul et améliorer le travail accompli. Chaque production est différente tout comme les équipes. Une des clefs de réussite est donc la communication. Travaillant depuis 2008 avec le chœur du Châtelet, nous avons noué une amitié qui nous permet de travailler en toute sérénité.
Dans Le Messie, le chœur est très présent. Est-ce pour vous un nouveau challenge ?
Il l’est sur plusieurs plans. Le premier est celui du temps. Le défi est de mettre en scène un oratorio (nous sommes ici dans une production d’opéra), ce qui est différent d’une version de concert. Le chœur est entendu durant la moitié de l’œuvre. Il faut donc savoir organiser le temps de répétition qui s’étale sur un période de 3 semaines. Le deuxième challenge est centré autour de la « destination ». Je suis curieux (à titre personnel) de savoir qui va venir voir Le Messie mis en scène par le très controversé Oleg Kulik.
Avec cette version du Messie revue par Mozart, dans quel style musical sommes-nous ?
Nous sommes davantage dans la période classique. Cela n’est pas qu’une question stylistique car il s’agit d’une version composée avec les nouveaux instruments de l’époque et dans une langue différente. Le rapport au son n’est donc pas le même. Nous ne sommes pas dans une esthétique de « musique ancienne ». C’est la raison pour laquelle le chef d’orchestre Hartmut Haenchen et l’orchestre Philarmonique de Radio France ont été choisis. Ils sont avant tout réputés pour leur connaissance de la musique romantique allemande. Avec cette version du Messie, nous sommes dans le pré-romantisme. Mozart a réussi à faire une synthèse de tous les styles musicaux précédents. C’est d’ailleurs le propre de Mozart : la synthèse des genres précédents qui ouvre vers le romantisme. On peut aussi le percevoir dans son Cosi Fan Tutte par l’usage des cordes. Avec le chœur, nous ne nous attardons pas vraiment à ces questions cependant. Il faut savoir faire des concessions. Première étape : préparation musicale. Deuxième étape : préparation scénique. Troisième étape : rencontre avec l’orchestre. Et tout cela nous amène à la première.
Quel est votre répertoire préféré ?
J’ai déjà dirigé une quinzaine de productions, et en particulier des œuvres franco-allemandes. Etant d’origine alsacienne peut-être cela vient-il de là. C’est en tout cas lié à ma personnalité. Il y a aussi la musique contemporaine que j’apprécie beaucoup mais dont je me suis éloigné. Cela me manque assez. C’est un autre circuit, un autre public, d’autres réseaux de financement aussi. Mais j’aimerais y revenir dans l’avenir.
Interview réalisée par Edouard Brane, à Paris, le 25 février 2011
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