Les mystères de Lisbonne – Raoul Ruiz
Film fleuve d’une durée de 4h35, Les Mystères de Lisbonne est le film le plus important de Raoul Ruiz et qu’il attendait de réaliser depuis longtemps. Décliné sous la forme d’un long-métrage ou d’une série composée de six épisodes, ces Mystères de Lisbonne fascinent et ennuient peu.
Josée Dayan a son Monte Cristo, Raoul Ruiz a son Père Dinis. Mais la comparaison suscite pourtant des différents. Purs produits télévisuels, les œuvres balzaciennes de Josée Dayan n’atteignent en rien la qualité artistique de celle de Raoul Ruiz. Cela serait comme comparer une émission de Jean-Luc Delarue avec celle d’un Bernard Pivot. Pour être plus concret, disons que chacun des plans de Ruiz sont parfaitement maîtrisés et d’une beauté académique accomplie.
Plusieurs plans-séquences sont de purs moments de cinéma à commencer par la scène de duel entre le jeune Pedro (José Afonso Pimentel) et l’ancien briguant Alberto de Magalhaes (Ricardo Pereira) ; tout comme ce face-à-face entre le père de Pedro et son ami diplomate, moment aussi tragique qu’envoûtant. Si Ruiz use du même travelling en forme de demi-cercle et effectuant des allers et venues incessants, il se permet de jouer toutefois avec sa caméra comme lorsqu’elle s’anime telle une pendule au-dessus du lit de mort du Comte de Santa Barbara (Albano Jéronimo). Tout est dans la finesse. Encore plus saisissant, l’humour qu’il emploie reste tout à fait discret, voir timide, comme dans ce passage où des prêtes espionnent derrière une cloison la conversation intime entre le Père Dinis et son patriarche.
Opéra de Verdi
Œuvre romanesque s’il en faut, le film de Raoul Ruiz est adapté du livre Mistérios de Lisboa (1854) de l’écrivain portugais Camilo Castelo Branco. Si le film demeure très littéraire, on pense aussi au théâtre et à la poésie. Mais le genre dont il se rapproche le plus est l’opéra. Rigoletto de Verdi pour son histoire de vengeance et de malédiction ou encore Eugène Onéguine de Tchaïkovski pour son mélodrame amoureux et sa scène de duel en seraient les meilleures références. De même, le titre du film aurait très bien pu être celui d’un des opéras les plus connus de Verdi, La force du destin.
Traversant les époques et l’Europe, le film souffre malgré tout d’une légère maladresse lors de sa partie française. La faute revient à trois jeunes acteurs dont la note sonne terriblement mauvaise et qui omettent d’articuler convenablement comme on peut l’entendre dans nombre de films français. Même si Léa Seydoux, Julien Alluguette et Martin Loizillon apparaissent comme des personnages romantiques, ils déçoivent par leur contemporanéité trop appuyée. A l’inverse, Clotilde Hesme réussit à imposer son personnage tout en retenue tout comme Melvil Poupaud qui a d’ailleurs débuté sa carrière devant la caméra de Raoul Ruiz.
Edouard Brane
Retrouvez l’article en intégralité sur www.cinedouard.com.
Les Mystères de Lisbonne
Réalisé par Raoul Ruiz
Avec Adriano Luz, Maria Joao Bastos, Ricardo Pereira
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Sortie le 20 octobre 2010
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