Les amours imaginaires – film de Xavier Dolan
Sur Xavier Dolan, nouveau prodige du cinéma d’auteur, on a déjà beaucoup entendu. Ceci en à peine deux ans. Sa jeunesse (21 ans), son culot, sa maîtrise, sa fulgurance : voilà pour les compliments, extatiques le plus souvent. Son narcissisme, son maniérisme, voire sa branchitude “bobo” : voilà pour les grincements. De fait, son deuxième long métrage – Les amours imaginaires– combine ces deux pôles, positif et négatif. Sauf que cette fois, il les réconcilie à peu près… C’est dire si ce Québécois multi-cartes (non seulement il écrit, joue et réalise ses films, mais il les monte, les coproduit et se charge également des costumes) est talentueux. Prometteur. Très malin.
Partant d’un sujet aussi vieux que le monde – deux amis fantasment sur la même personne, s’en suit un duel amoureux menaçant leur complicité – Xavier Dolan offre à voir et à entendre une fable drôle et cruelle. Premier bon point. D’autant plus mérité que le scénario, malgré tout, est assez ténu. L’astuce de Dolan, c’est d’opter pour le mouvement perpétuel (soit de la caméra, soit des dialogues), mais de façon revendiquée, presque ironique. D’une part, ça donne un rythme unique, enlevé et vain à la fois, à son histoire. Et, d’autre part, ces frissons ostentatoires sont parfaitement raccord avec les atermoiements, les états d’âmes et les stratégies de ses personnages éblouis… essentiellement par eux-mêmes. On peut, par instants, trouver le procédé un peu appuyé (toujours les mêmes zooms). Mais on peut aussi reconnaître dans cette répétition maniérée une forme de juvénilité narquoise. Décomplexée. Idem pour l’utilisation de la musique : oscillant de Dalida à House of Pain, elle joue de toute façon un rôle clé dans ces déambulations post-adolescentes.
L’autre astuce du jeune cinéaste, c’est de ne pas avoir négligé la part intemporelle de ce chassé-croisé amoureux. Certes, ça se passe dans le Montréal d’aujourd’hui, chez les 18-25 ans, là même où les frontières entre sexe, genres et amitié semblent assez floues. Pour autant, on sent bien que Dolan vise l’universel. Dans les costumes vintage de certains, dans le choix des morceaux de la B.O., encore une fois. Et, surtout, dans le découpage de son récit. C’est peut-être là, d’ailleurs, qu’il impressionne le plus, ce jeune homme stakhanoviste et pressé ! Empruntant à la fois au chapitrage des contes de Rohmer (la rencontre, la rivalité, l’aveu, la déception, le deuil, l’éternel recommencement), aux comédies narquoises de Woody Allen et aux inserts typiques du documentaire à l’américaine (les témoignages hilarants des copains sous forme de mini interviews), Xavier Dolan propose non pas un film hybride, entre vieille Europe et nouveau monde, mais une troisième voie inattendue. La sienne. Et ça, quoi qu’il en soit, c’est épatant.
Ariane Allard
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Les amours imaginaires
De Xavier Dolan
Avec : Monia Chokri, Niels Schneider, Xavier Dolan, Anne Dorval, Anne-Élisabeth Bossé, Magalie Lépine-Blondeau, Olivier Morin, Éric Bruneau, Gabriel Lessard, Bénédicte Décary et Patricia Tulasne
Sortie le 29 septembre 2010
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