Xavier Dolan : « Le cinéma, c’est l’adrénaline qui me permet de remonter mes accus »
A tout juste 26 ans, Xavier Dolan se paye Marion Cotillard, Léa Seydoux et Vincent Cassel pour son prochain film. Juste la fin du monde, c’est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce sur le thème cher à Dolan de l’amour et des querelles dans le cercle familial. Xavier Dolan sera aussi Juré pour le festival de Cannes 2015 qui démarre le 13 mai et s’occupera ensuite de la pré-production de The death and life of John F. Donovan avec Jessica Chastain dans le rôle principal. C’est l’occasion pour Artisitk Rezo de vous faire (re)découvrir l’entretien mené avec le jeune prodige alors qu’il n’avait que 21 ans…
Attention les yeux ! Xavier Dolan, Québécois de 21 ans, ne badine ni avec l’art ni avec son travail. L’allure graphique – hybride d’un Tom Cruise frêle et branché et d’un Sliimy joli – le verbe choisi, ce tout jeune cinéaste révélé à Cannes en 2009 puis adoubé en 2010 est, pour le moins, rafraîchissant d’audace. En exergue de son (déjà !) deuxième long métrage, l’extrait sans doute le plus fameux d’On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset. Justement. « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui » : c’est dire si Les amours imaginaires se place sous des auspices exigeantes. Et culottées. De fait, ce triangle amoureux dans le Montréal d’aujourd’hui, aussi drôle que cruel, vise l’universel et l’intemporel. Il n’est pas loin d’y parvenir. Une rencontre à Paris avec ce prodige effervescent, qui agace autant qu’il impressionne un public pour l’heure essentiellement cinéphile, s’imposait. Une interview miroir, puisque son film, dit-il, est « un film d’apparences » et que, de toute façon, le cinéma lui va comme un gant. On n’a donc pas fini d’entendre parler de ce “chum”-là… Acteur « Je suis né à Montréal en 1989. Mon père est auteur et chansonnier, ma mère travaille dans un collège. J’ai commencé à être acteur dès l’âge de 4 ans, dans des publicités puis dans des films. Je suis donc acteur, à l’origine… Si j’ai commencé à écrire, c’est pour être sûr de pouvoir jouer ! Je rêve de travailler avec un autre cinéaste, mais on ne me propose rien. Pourtant je ne suis pas un mauvais acteur, je peux jouer des choses très loin de moi, j’ai le désir, en plus, de faire des choses extrêmes ! Je crois, de toute façon, qu’il faut connaître son Autre, son Doppelgänger, pour être un bon acteur. Il faut comprendre son mal latent. Bette Davis, Gena Rowlands, Mastroianni, pour moi, ce sont des très grands. » Inspiration « On me parle beaucoup de mes influences, de mes références. On me dit Almodovar, et je ne vois pas très bien pourquoi, même si c’est un artiste que j’aime, ou l’on cite Pierrot le fou, de Godard, qui est effectivement l’un des films que je préfère de ce cinéaste, dont je n’aime pas tout. En fait, je préfère que l’on me parle d’inspiration plutôt que d’influence. Pour moi, c’est différent. Les cinéastes qui m’inspirent, ce sont Gus Van Sant ou Michael Haneke. Et John Cassavetes. C’est lui dont je me sens le plus proche. J’admire son intelligence, sa sensibilité. En plus, il était d’une beauté!» Rohmer « Oui, Eric Rohmer, bien sûr que j’aime et connais son cinéma ! Et bien sûr que c’est une grande inspiration pour moi. La collectionneuse, par exemple, est un film très important, il a une conclusion époustouflante ! Cela dit, même si Les amours imaginaires est structuré de façon assez littéraire, comme chez Rohmer – la rencontre, l’ambiguïté, la rivalité, l’attente, le courage, le deuil, la récidive – il est faussement bavard ! En fin de compte, le scénario ne faisait que 80 pages ! » Apparences « Du strict point de vue de la narration, il ne se passe pas grand chose… Tout simplement parce que l’histoire a été conçue comme une rotation autour de quelque chose. En fait, c’est un film d’apparences, à l’image de l’amour qui est portraituré. Ce n’est pas ce que moi j’espère ou que j’aime de la vie, non. Ce n’est pas une signature. Mais c’est ce dont ce film avait besoin. De féminité, de sensualité, de sexualité. Il doit donner envie de faire l’amour ! » Génération « Le problème amoureux, et l’incompétence de l’homme à gérer ses sentiments amoureux, n’est pas exclusif à l’art moderne. C’est même vieux comme le monde ! C’est pour cela qu’à la base, je voulais faire une fusion entre toutes les époques. Je cite Cocteau, je cite Lacan. Et pour la musique, qui est l’un des acteurs principaux du film, on entend aussi bien Bang Bang, la version de Dalida, qu’un titre du groupe House of pain, qui date de 1991. La musique, les costumes, les couleurs : tout se veut intemporel, pour faire entrechoquer les époques. En voyant cette diversité culturelle, il est possible que certains pensent qu’elle est emblématique de ma génération. Mais en fait non : je voulais faire un film ouvert à toutes les générations. Rien ne me touche plus qu’une grand-mère de 85 ans qui, en fin de séance, vient me voir pour me dire qu’elle a été émue. Mission accomplie ! »
Cinéma
« J’ai 21 ans, le cinéma, ça occupe toute ma vie. Où je trouve l’énergie ? Comme je suis jeune, je ne me pose pas trop la question. Souvent, j’entends parler d’un film comme d’une parenthèse dans la vie de quelqu’un. Moi, c’est exactement le contraire. C’est quelque chose que j’attends toujours. Le cinéma, c’est l’adrénaline qui me permet de remonter mes accus. » Propos recueillis par Ariane Allard |
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