Festival de Cannes – 21 mai 2013
À l’origine, ce film est un projet pour la télévision (une sortie en salle n’est même pas prévue aux Etats Unis) et cela se ressent dans l’écriture. En effet, Ma vie avec Liberace, basé sur une histoire vraie, ne quitte pas la forme du biopic classique et ne brille que par son magnifique casting complètement habité.
On parle d’un prix d’interprétation pour Michael Douglas mais Matt Damon n’est pas en reste. On se laisse emporter avec plaisir dans cet univers de paillettes, de strass, de chirurgie esthétique et de drama domestique en oubliant que Liberace a, dans sa vie publique, fermement combattu les rumeurs concernant son homosexualité. Ici, on ne parle que de vérités, d’évidences, de l’intimité d’un couple singulier et en même temps tellement représentatif des dérives de « l’american dream ».
Le soleil brille enfin généreusement sur la Croisette et je commence à souffrir de l’enfermement dans les salles. C’est le moment idéal pour aller peaufiner mon bronzage et m’intéresser de plus près aux fameuses plages privées où je n’ai encore pas mis les pieds en journée. Je choisis de passer à Terrazza Martini, on me vante depuis le début son ambiance lounge et ses cocktails, sans oublier sa localisation idéale près du Palais des Festivals. Pour ceux qui ne connaissent pas, quasiment toutes les plages de la Croisette sont privatisées dans le cadre du Festival de Cannes. Ces plages qui portent le doux nom de Plage Nespresso, Plage Orange, Villa Schweppes, Terrazza Martini ou encore Plage Magnum sont accessibles en journée avec un pass spécial délivré aux VIP et/ou aux professionnels qui le souhaitent et sont généralement, le soir venu, le théâtre des festivités pour de nombreuses soirées officielles de films.
J’ai donc mon précieux pass en main et je récupère les tickets boissons qui me permettrons de profiter de délicieux cocktails (l’endroit n’est pas en open bar depuis la fameuse loi qui a rendu, entre autres, le festival cannois un peu plus sérieux). On vante ici le concept de « slow drinking », l’espace lounge évoque un coté dolce vita complètement vintage…. Bref, on s’y sent bien.
Mais attention, ce n’est pas seulement un havre de paix où se reposer avant d’enchaîner les séances mais bien un autre lieu qui compte dans le festival. Les plages de ce genre sont en effet l’endroit idéal pour faire ses interviews (on y croise donc souvent une belle poignée de stars à plus ou moins grande échelle). On y mange aussi avec son futur patron, on réseaute comme on peut uniquement le faire à Cannes. Ce sont des plages où, en journée, il vaut mieux être vu. Après avoir arpenté ces lieux depuis une grosse semaine, mon coup de cœur va donc à la Terrazza Martini, j’ai aimé cette année sa décoration charmante, les boissons mais aussi l’ambiance. J’espère vraiment retrouver cet univers l’année prochaine, même si je ne me fais pas d’illusions, les plages vont et viennent avec la marée (et changent surtout de concept et de localisation comme de chemise d’une année sur l’autre selon leurs moyens, les équipes de communication et l’actualité…)
En fait, j’avais prévu de m’accorder cette pause parce que je savais qu’une longue file attente m’attendait pour le nouveau film de Claire Denis, présenté en sélection Un certain Regard, Les salauds. La réalisatrice française a une certaine côte auprès de la presse internationale et je me doutais qu’elle serait au rendez-vous pour cet événement.
Les salaudsest un film choc. J’en suis sortie dans un état indescriptible, à la fois enthousiaste et dégoutée, tremblante et surexcitée. La réalisatrice s’intéresse à la lutte des classes, à la perte de repères moraux, à la sexualité décadente de certains milieux privilégiés. S’il y a beaucoup de sensibilité dans le traitement et aucune facilité dans la psychologie des personnages (ils sont juste étonnamment complexes et souvent difficiles à saisir), j’ai plus de réserve sur la gestion de la violence physique et mentale. C’est, en tout cas, un des films scandale du festival, qui a laissé des salles entières médusées ou en colère et qui a le mérite de créer l’émotion.
J’enchaîne cette séance avec le nouveau film de la réalisatrice argentine Lucia Puenzo, sur l’exil du docteur Mengele dans son pays, Wakolda. Si on a conscience que le film est basé sur la réalité, celle ci rattrape le récit et l’empêche de s’épanouir autrement que dans la chronique, le simple énoncé de faits. Aucun proposition artistique, aucune vision singulière n’est proposée par la réalisatrice qui nous avait pourtant offert il y a quelques année l ‘objet filmique non identifié, XXY. Avec une histoire pourtant passionnante, et peut-être aussi un peu à cause un budget clairement insuffisant, la réalisatrice ne parvient jamais à faire décoller son histoire et à poser les vraies questions sur le rapport entre son pays et l’Allemagne nazi… peut-être est-il encore trop tôt.
La journée de cinéma se termine avec la projection du film tchadien en compétition officielle, Grisgris. Si le casting est époustouflant, de l’acteur principal à son amoureuse prostituée, le film se déploie ailleurs que là où il excelle. J’avais attendu un Saturday Night Fever tchadien avec les problématiques sociales que ça implique et on se retrouve finalement avec une chronique ennuyeuse, scolaire et simpliste. Quelle tristesse quand on voit avec quel talent sont filmées les scènes de danse (qui sont par ailleurs époustouflantes).
J’avais dit : ce soir, on sort. Mais c’était au final, une mauvaise idée. D’un part parce les CRS ont bloqué une partie de la Croisette au public pour cause de bagages abandonnés et d’autre part parce que des plaintes du voisinage ont annulé les performances musicales de la soirée. J’arpente donc avec mes compagnons de beuverie une Croisette désertée, bizarrement silencieuse et finalement inquiétante avant de décider un repli vers Le petit Majestic et ses pintes servies à même la rue. On partage un verre, on débriefe la journée, une bonne âme me glisse deux invitations pour une soirée du lendemain… je peux aller me coucher tranquille, demain sera encore plus beau.
Lucile Bellan
A (re)découvrir sur Artistik Rezo :
– Festival de Cannes – 20 mai 2013
– Sélection officielle du festival de Cannes 2013
[Visuels : Lucile Bellan]
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