Festival de Cannes – 17 mai 2013
Asghar Farhadi est un réalisateur iranien connu par le public pour le précédent succès d’Une séparation. Il quitte cette fois ci, son Iran natal pour poser sa caméra à Paris et mettre en scène une nouvelle fois un couple malmené par la vie, incarné par le duo Bérénice Béjo et Tahar Rahim. Le Passé c’est un drame terrible crée de toutes pièces par les petites ingérences des uns et des autres sur la vie et les actions d’un couple qui ne pensait pas devoir demander le droit de s’aimer. La justesse de toutes les interprétations vient renforcer un scénario simple mais efficace et qui touche au cœur.
À peine le temps de me remettre de mes émotions, qu’il faut zigzaguer entre les badauds pour atteindre la file d’attente pour le dernier film d’Alain Guiraudie, L’Inconnu du lac (Un Certain Regard). La veille, j’avais fait la connaissance de l’attaché de presse qui n’avait pas tarit d’éloges. C’est un peu son travail, mais, allez savoir pourquoi, j’ai décidé de faire confiance à ce charmant jeune homme. A posteriori, je le remercie grandement puisque ce film est l’un des meilleurs que j’ai vu à ce jour sur place.
Un lieu unique, une plage donnant sur un lac dans le sud et ses bosquets. Une poignée à peine de personnages. Avec rien, littéralement, Alain Guiraudie nous offre d’abord une histoire glaçante de désir et de séduction. Et puis, en creusant un peu plus, c’est toute une réflexion sur la solitude qu’il développe. Avec une facilité déconcertante, désabusée dirons certains, les corps se rencontrent et s’entrechoquent mais si la caméra s’attarde longuement sur ces ébats c’est pour mieux nous envelopper de mélancolie et d’abandon. À l’image de ces corps offerts, le film est beau de bout en bout.
Il y a quelque chose qu’il faut savoir sur le festival de Cannes : c’est que les milliers d’accréditations ne donnent pas toutes un droit inaliénable d’entrer dans les salles. Il y a les fameux codes couleurs qui permettent de classer les journalistes par ordre d’importance (on conviendra que c’est douteux mais le système fonctionne bien). Mais la seule façon d’être sûr d’entrer dans une salle, c’est d’être là avant les autres. Je n’oublie jamais cela et m’astreint à, au moins, 30 minutes d’attente quels que soient les films.
Pour le rattrapage de The Bling Ring, le nouveau film de Sofia Coppola présenté en ouverture de la sélection Un certain regard, je suis arrivée comme une fleur 45 minutes avant le début de la projection réservée uniquement aux professionnels. Et bien figurez vous que la salle de 300 places avait déjà été remplie (les portes avaient été ouvertes en avance pour éviter de scléroser les couloirs du Palais des festivals). C’est une leçon que je connais bien et que j’accepte, on ne maîtrise jamais les mouvements de foule pendant le festival. Il suffit parfois d’un peu de chance pour entrer dans une projection attendue et il vaut mieux être précurseur que de commencer à faire la queue pour la seconde projection d’un film dont tout le monde parle déjà sur la croisette. C’est le jeu, et je décide à la place d’aller justement faire un petit tour sur la Croisette, histoire de profiter du beau temps.
Je récupère au passage un pass pour une des plages privées : la Terrazza. Puis je me dirige vers la plage publique (celle où sont diffusés les films dans le cadre du « Cinéma de la plage ») pour me reposer un peu. Je pose ma tête sur le sable pour ne la relever qu’une grosse heure plus tard. Cette sieste impromptue a été réparatrice et prouve bien que la fatigue commence à attaquer mes défenses.
Il est déjà l’heure de retourner faire la queue pour la projection presse du film d’Hirokazu Kore-Eda, Tel père tel fils, présenté en compétition officielle. Le réalisateur japonais présente un film sur un sujet qui lui est cher, le rapport père-fils, et le bruit court que ce serait déjà, de par son sujet, un éventuel favori de Steven Spielberg, président du jury. Avec le talent qui le caractérise en ce qui concerne la direction de jeunes acteurs, Kore-Eda traite la question de l’échange de bébés à la naissance de façon mélodramatique mais aussi légère. Si je suis charmée au premier abord par les performances d’enfants, l’humour et l’atmosphère, je suis plus partagée ce qui concerne le scénario qui est trop peu développé au regard de la gravité de son histoire ou encore la psychologie des personnages caricaturale ou inexistante.
S’ensuit un dîner, un vrai. Manger à table à Cannes est un luxe qu’on ne refuse pas, je suis, en plus, en charmante compagnie (avec mes collègues de Cannes Inside). Le dîner terminé et déjà nos routes se séparent, certains ayant décidé de gagner quelques heures de sommeil. Personnellement, je me sens prête à boire quelques verres de plus c’est pourquoi je me dirige vers le bateau Arte. Malheureusement ce lieu de fête ancré derrière le Palais est plein comme un œuf. Une solution de repli est alors envisagée. Je me retrouve comme à mes débuts à vider une pinte de bière en pleine rue, au Petit Majestic, LE lieu de rencontre des journalistes qui n’ont pas trouvé d’invitation à une soirée officielle. La nuit est douce, la bière est fraîche et il est plus de minuit quand je rentre à l’appartement avec la ferme intention de travailler. C’était sans compter sur mes colocataires passionnés de cinéma avec qui je débriefe Tel père tel fils jusqu’à plus de 3 heures du matin… Je ne suis décidément pas très responsable, le réveil quelques heures plus tard sera certainement des plus douloureux.
Lucile Bellan
A (re)découvrir sur Artistik Rezo :
– Festival de Cannes – 16 mai 2013
– Sélection officielle du festival de Cannes 2013
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