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Never2501 – interview

16 septembre 2013
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Never2501

Quels ont été vos débuts ?

Je suis de Milan. Mon beau-père, qui était peintre, fréquentait beaucoup de squats. Un jour, il m’a montré une vidéo d’une crew italienne. C’est lui qui m’a donné l’impulsion sans le savoir…
J’ai commencé vers dix-huit ans, et pour moi qui n’ai jamais fait de foot, le graffiti était un sport !Quand j’ai commencé, il y avait moins de choses dans la rue, et on n’en parlait pas autant. Il existait bien quelques fanzines sur le sujet, mais ce n’était pas aussi hype…
Je viens de la lettre. J’ai peint des trains, des métros, plus encore que les murs des villes. J’ai aussi fait une école de cinéma – j’ai une formation de monteur. Puis, dans les années 2000, je suis allé à San Paolo, au Brésil pour une année.

Découvrir la scène brésilienne a été un choc ?

Oui, j’ai été au contact de l’école brésilienne, dont Os Gemêos. J’ai commencé avec les gens de mon âge. Aucun d’entre nous ne pensait que ça deviendrait un jour un travail ! Nous peignions surtout des trains. Il y avait une grande ouverture, beaucoup de fraîcheur. J’avais un travail technique de mise en page dans un journal, très ennuyeux. A l’époque, j’ai aussi travaillé à un projet social dans les favelas de San Paolo. Cela a été une période très formatrice, y compris comme individu.

Aujourd’hui, sur les murs, on vous associe surtout aux scènes en noir et blanc, et en volutes…

C’est venu assez récemment, il y a un peu plus d’un an et demi. Je ne sais pas comment j’y suis arrivé. A un certain moment, ce style est apparu. C’était une façon d’être plus léger, plus reconnaissable. Avant, je faisais des choses beaucoup plus colorées, très influencées par le Brésil. Au bout d’un moment, je m’en suis lassé. D’autant que physiquement, le spray commençait à gêner ma respiration. Et je me lassais de ces couleurs trop présentes, qui n’arrivaient jamais à se fondre totalement dans l’environnement sur lequel elles étaient placées. Ca devenait une sorte de sticker. Ce qui me plaisait, dans le graffiti, c’était l’exploration : arriver dans des lieux où je ne serais jamais allé sinon, découvrir des parties de la ville plus cachées. Mes œuvres actuelles me permettent de poursuivre ça. En parallèle, je poursuis aussi un travail de peintre, sur toile. Ce sont pour moi deux recherches, deux manières complémentaires.

Plus que la rue, vous aimez les lieux abandonnés…

L’année dernière, j’ai fait un tour d’Italie, je suis passé par des châteaux abandonnés, des cités abandonnées comme Acquo. Peindre dans la rue est une belle chose, mais il y a toujours la pression du public qui ne t’autorise pas à faire, par exemple, quelque chose d’ultraminimaliste ou de trop conceptuel…. Dans les lieux abandonnés, personne ne s’attend à quoi que ce soit. A Paris, j’ai peint dans les catacombes. J’en avais toujours entendu parler, mais à vrai dire beaucoup de choses y sont déjà posées, ça enlève un peu de magie…

Il y a une dimension graphique dans votre travail…

Never2501Oui, mais aussi un aspect pictural. L’art doit être une recherche, et en tant que tel il ne peut pas s’arrêter. Je travaille beaucoup sur le symbole, en particulier la tradition tibétaine. Mon père a travaillé en Chine, en Inde, il est bouddhiste et j’ai beaucoup voyagé avec lui, cela fait partie de mon héritage. J’aime utiliser les symboles, pas dans leur dimension religieuse, mais plutôt en tant que force à laquelle on peut être sensible même sans savoir d’où elle vient. Le travail strictement graphique donne moins de liberté. L’autre est plus dans le geste, la liberté.

Parmi vos symboles récurrents, figure le cheval…

Le cheval est l’animal le plus utilisé par l’homme, le symbole de beaucoup de choses… De nombreux saints et divinités lui sont liés. Mais je n’ai pas d’idée prédéterminée quand je commence à travailler. Puisque même les erreurs font surgir des choses imprévues.

Qui sont les artistes que vous admirez le plus ?

Boltanski, même s’il ne m’a pas véritablement influencé. Il parle de la mort dans tout son travail, comme moi, même si je suis moins explicite. J’ai beaucoup travaillé par exemple sur Le Livre des mots tibétains, comme dans mon exposition See you on the other side (Soze Gallery, Los Angeles, 2013). Je vois un parallèle entre les tourbillons graphiques et la mort. Je suis bouddhiste. Pour moi on meurt, jusqu’à ce qu’on sorte du cercle vicieux des réincarnations…

Qui d’autre a compté ?

Roberto Matta et son fils Gordon Matta-Clark. Calder – pas sa production la plus connue, mais surtout ce cirque de fil de fer, avec lequel, déjà vieux, il créait des spectacles avec sa femme. Cela exprime quelque chose que j’ai toujours pensé : l’artiste ne doit pas se laisser enfermer. Il y a toujours la possibilité de tout changer, de se remettre en jeu. Anselm Kieffer dit que chaque œuvre cache la précédente…

Comment expliquez-vous l’engouement actuel pour le street art ?

Un peu à cause des erreurs commises par le monde de l’art contemporain, qui ne s’est pas donné la peine d’expliquer ce qu’il donnait à voir. Alors que beaucoup d’artistes ont la volonté de communiquer, les galeries et les musées n’ont pas réussi à faire entrer l’art chez tout un chacun. Le graffiti n’était pas commercial, parce qu’il n’a pas pour but de plaire, le street art est un entre deux, moins perturbant peut-être, en tout cas facilement compréhensible par tous. Grâce aux réseaux sociaux, il est devenu de plus en plus simple d’y avoir accès. Le terme de street art ne me plaît d’ailleurs pas beaucoup. Ca ressemble à un terme globalisant, inventé par un copyright publicitaire, pour permettre aux gens à l’extérieur du mouvement de s’y retrouver.

Mais vous croyez à l’art urbain comme mouvement ?

Bien sûr. Et comme force subversive, dès le début. En Italie, on dit « muri puliti, populi muti » – « murs propres, peuples muets ». Il existe aujourd’hui une grande volonté de s’exprimer à travers l’art. Tout le monde devient artiste, photographe, c’est un art populaire… C’est aussi la beauté de la chose. Même si au niveau artistique, il y a beaucoup de choses inutiles. Banksy nous a appris que si on voulait faire sa propre publicité, c’était tout à fait possible. Mais parfois, c’est vrai, la recherche qu’implique l’art est un peu effacée par cette revendication de faire quelque chose à tout prix….

Propos recueillis par Sophie Pujas

www.2501.org.uk
www.sozegallery.com
www.facebook.com/never2501

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