ADIAF – Sur le projet de réintégration des oeuvres d’art dans l’assiette de l’ISF
Alors que le projet de réintégration des oeuvres d’art dans l’assiette de l’ISF revient à nouveau sur le devant de la scène, je tiens, au nom des 300 collectionneurs de l’Association pour la diffusion internationale de l’art français, à souligner quelques points qui me semblent essentiels pour appréhender la question.
Une politique volontariste depuis les années 80 autour de la scène française
Tout d’abord, il faut se rappeler qu’il y a à peine 20 ans, la France avait disparu de la scène artistique internationale que les Etats-Unis avaient politiquement décidé de dominer. Depuis les années 80, de nombreuses décisions ont été prises par l’Etat pour remédier à cette situation : loi Fabius sur la non-assimilation des oeuvres d’art à l’ISF, seul geste en faveur des collectionneurs, loi sur le Mécénat, création des FRAC à l’initiative de Jack Lang, ainsi que de nombreux musées d’art moderne et centres d’art, loi sur les ventes publiques.
La France est redevenue attractive
Ces efforts ont eu des répercussions chez tous les acteurs de la scène artistique : nombre des galeries en constante augmentation, dont depuis peu des galeries étrangères de renom, retour en force des maisons de ventes aux enchères, apparition de nombreux nouveaux collectionneurs, création de fondations, associations artistiques, prix divers dont le plus connu est le prix Marcel Duchamp. Ces nombreuses initiatives ont créé une vraie dynamique. Paris et la France redeviennent des pôles d’attraction pour les collectionneurs et amateurs du monde entier car la vie artistique y est aujourd’hui intense et créative.
Ce renouveau a des retombées économique importantes pour toute une filière créatrice d’emplois et de revenus : encadreurs, relieurs, restaurateurs, garde-meubles, transporteurs, photographes, mais aussi scénographes, critiques, producteurs d’expositions, maisons de ventes, galeries, foires internationales, biennales, sans oublier le tourisme culturel.
Décourager les collectionneurs, c’est fragiliser toute une filière
Sacrifier les collectionneurs pour de mauvaises raisons risquerait de faire basculer toute cette construction établie patiemment depuis 20 ans. Les oeuvres d’art ne sont pas assimilables à des produits ordinaires, pas plus à des produits financiers qu’à des biens immobiliers. Que ceux-ci soient taxés c’est sans doute normal, puisque leur essence même est de rapporter de l’argent. Le problème est différent pour les oeuvres d’art qui ne produisent aucun intérêt ou dividende mais dont la conservation, l’entretien, le stockage génèrent des frais très élevés. De plus, elles n’échappent pas à l’imposition : droit de suite en cas de cession, taxation sur les plus value, et naturellement, droits de succession.
L’évaluation des oeuvres d’art est délicate et fluctuante. Il suffit de se rappeler les crises de 1990 et 2000 où les prix ont brutalement chuté de quelque 50%. L’extraordinaire vague en faveur de l’art abstrait des années 50 et des divers courants artistiques des années 70 s’est aussi totalement retournée en quelques mois.
Quand devra t-on évaluer les oeuvres et qui sera chargé de cette évaluation (coûts supplémentaires !!). Il y aura lieu de craindre des perquisitions humiliantes ainsi que des délations en plus des dissimulations, pratiques propres à décourager plus d’un collectionneur.
Il est aussi à craindre que le patrimoine constitué en France ne s’en évade progressivement et que les achats se portent désormais sur les galeries étrangères plus que sur les françaises, et par conséquence sur les artistes étrangers.
On ne parle jamais des artistes : les oeuvres qui sont dans leurs ateliers seront-elles évaluées de la même manière ? Que feront les artistes étrangers, tels Kiefer, qui ont choisi de vivre en France ?
Enfin, il est certain que les collectionneurs hésiteront à prêter leurs plus belles oeuvres lors d’expositions nationales ou internationales. Or une grande partie des expositions, surtout d’art contemporain, est composée d’oeuvres prêtées par des collectionneurs.
N’oublions pas non plus l’importance des donations et dations des collectionneurs qui enrichissent les musées publics depuis des années.
Les collectionneurs sont des acteurs de la filière
Notre association s’est mobilisée depuis près de 15 ans pour le rayonnement international de scène française démontrant par cette démarche que les collectionneurs peuvent avoir une démarche citoyenne et agir aux côtés des institutions publiques.
Les collectionneurs ne refusent pas de contribuer à l’effort de solidarité demandé auquel ils vont participer fortement en tant que contribuables. A l’heure où l’on constate une diminution de nombre d’entreprises mécènes, une baisse des investissements publics, ils veulent que leur rôle d’acteur de la filière soit compris. La relation qui se noue entre artiste et collectionneur va bien au delà d’un simple acte d’achat : ils contribuent à la production de leurs oeuvres, à la réalisation de leurs catalogues… Les collectionneurs sont les partenaires des artistes et les complices de la création de leur génération.
Pour l’immense majorité des collectionneurs, l’achat d’une oeuvre d’art contemporain est un réel acte d’engagement et non un acte de spéculation. Décourager les collectionneurs, c’est affaiblir un maillon essentiel de la chaîne, c’est prendre le risque de fragiliser toute la filière et de déstabiliser le marché de l’art en France au moment même où il est en train de retrouver sa vitalité face à une concurrence internationale de plus en plus rude.
Le marché de l’art est un écosystème qui a besoin de créativité et de dynamisme, facteur clé de croissance et d’emploi. Les réflexions que nous menons actuellement avec la Direction Générale de la Création Artistique du Ministère de la Culture autour de la constitution d’un pôle d’excellence nous semblent d’une grande actualité car il est absolument nécessaire que la filière puisse se fédérer autour de projets qui soient compris par tous. »
Gilles FUCHS, Président
Florence GUERLAIN, Vice-présidente
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