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Sept présidents de musées français contre l’amendement assujettissant les œuvres d’art à l’ISF

16 octobre 2012
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« Paris, le 12 octobre 2012
Madame la Ministre

Vous savez notre reconnaissance pour la manière dont vous avez su préserver, au début de votre mandat, les dispositions législatives relatives au mécénat. A l’heure où le Ministère et nos établissements publics sont invités à participer à l’effort de rigueur financière qui s’impose au pays, ces dispositions nous aideront à pallier dans une certaine mesure les conséquences d’un resserrement des crédits publics.

Aujourd’hui, une nouvelle menace plane sur les missions mêmes de nos établissements publics, s’agissant particulièrement de la poursuite de l’enrichissement de nos collections et de la diffusion au plus grand nombre des oeuvres d’art publiques et privées. L’amendement assujettissant les oeuvres d’art d’une valeur de plus de 50’000€ à l’ISF porte en effet des risques spécifiques pour la mission des établissements publics, au-delà des considérations sur la bonne santé du marché de l’art en France, que d’autres ne manquent pas d’évoquer.

Aussi, nous voudrions nous permettre d’attirer votre attention et celle du Gouvernement sur les conséquences spécifiques de ce projet de taxation sur les missions fondamentales de nos établissements publics.

1. Un obstacle majeur à la diffusion du patrimoine

Nos établissements ont pour mission de présenter leurs collections au public, mais aussi d’organiser des expositions de nature à diffuser la connaissance des oeuvres, présenter l’histoire de l’art et contribuer à la diffusion de la création actuelle. Vous avez à cet égard placé le renouvellement et l’élargissement des publics au premier rang de vos préoccupations.Ces missions supposent que nos établissements soient en lien constant avec les propriétaires des oeuvres, qu’il s’agisse de pouvoir les présenter ou de mener les recherches scientifiques inhérentes à nos missions.

Or, on peut craindre qu’une taxation des oeuvres d’art n’incite leurs propriétaires à ne pas les prêter, de peur de les voir exposées et donc identifiées en public.
On ne peut exclure même que les recherches scientifiques des conservateurs ou des historiens d’art sur un sujet n’en soient entravées.

De nombreux sujets, qui font appel pour une grande part à des familles d’artistes, de propriétaires ou à des collectionneurs français deviendraient difficiles à traiter dans ce contexte, et le niveau de qualité attendu pour nos expositions risquerait d’en être dégradé.

Le public français en serait le premier affecté. La reconnaissance internationale du travail de nos établissements serait aussi fragilisée, dans un domaine où la mondialisation généralise la concurrence entre les grandes institutions culturelles de niveau international.

2. Un frein sérieux à la politique d’enrichissement des collections publiques et de protection du patrimoine national

L’enrichissement en pièces majeures des musées français repose fortement sur le dispositif de la dation, qui permet le paiement de certains impôts en nature, sous forme d’oeuvres d’art, et sur les donations des particuliers, ainsi que sur la législation relative aux cc trésors nationaux ». Ces dispositifs sont le complément indispensable de la politique d’acquisition menée avec l’aide de l’Etat.

Il est à craindre qu’une taxation des oeuvres d’art n’entraîne un départ des oeuvres pour l’étranger et ne tarisse ainsi le système des dations comme celui des trésors nationaux.

On peut aussi redouter que pour faire face au paiement de l’impôt beaucoup de propriétaires, qui n’ont pas nécessairement d’autre fortune que ces oeuvres d’art, ne les vendent. Cela risque de créer d’autres départs vers l’étranger. L’Etat a déjà les plus grandes difficultés à faire face aux demandes de sortie du territoire.

A l’heure où les collections étrangères sont très actives dans leurs acquisitions en France, les conditions seraient réunies pour un appauvrissement du patrimoine français.La France risque dès lors d’assister à la disparition de collections historiques, transmises de génération en génération, parfois étroitement liées à un patrimoine architectural dont elles seraient définitivement séparées, et avec lesquelles nos établissements entretiennent des liens scientifiques et d’exposition temporaire très étroits.

A cet égard, les relations des établissements publics vont bien au-delà des seuls grands collectionneurs pouvant être assimilés à des investisseurs financiers. Les partenaires de nos établissements sont le plus souvent des descendants d’artistes, des érudits ou des collectionneurs amateurs, qui possèdent des oeuvres de grande valeur, souvent sans rapport avec le reste de leur patrimoine.

Ce sont d’ailleurs les mêmes dont les familles sont ensuite à l’origine des dations.

Nous nous permettons de donner copie de la présente lettre à M. le Président de la République et à M. le Premier ministre.

En espérant que vous serez sensibles à ces considérations inspirées par la seule préoccupation de préserver les missions de service public de nos établissements, et en nous tenant à votre disposition, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’expression de notre très respectueuse considération.

Bruno Racine, Henri Loyrette, Catherine Pégard, Alain Seban, Guy Cogeval, Stéphane Martin, Jean-Paul Cluze

copie:
M. le Président de la République
M. le Premier ministre »

A découvrir sur Artistik Rezo : 
– ADIAF – Sur le projet de réintégration des oeuvres d’art dans l’assiette de l’ISF
– Catherine Morin-Desailly – œuvres d’art dans l’ISF : le mauvais message
– ISF et œuvres d’art : le mariage de la carpe et du lapin
– La taxation des œuvres d’art à l’ISF : un assassinat de l’art Français

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