Carlo Goldoni
Carlo Goloni nait à l’aube du dix-huitième siècle, en 1707, à Venise. L’enfant nourrit une passion pour le théâtre, les marionnettes et imagine sa première pièce à l’âge de neuf ans. Mais son père, apothicaire, voit d’un mauvais œil la perspective d’une carrière artistique. Goldoni est alors envoyé dans les écoles les plus strictes. Ses parents espèrent voir leur rejeton se ranger. Mais celui-ci fugue de son établissement de Rimini, en bonne compagnie, avec une troupe de comédiens. Puis, dans l’austère collège Ghislieri de Pavie, qui impose à ses élèves la tonsure, le jeune frondeur ne tarde pas à provoquer un scandale général. Il commet le crime d’écrire un poème satirique, « Il Colosso », qui moque des jeunes filles de la ville. Renvoyé, Goldoni mène à bien ses études de droit et, de retour à Venise, entame avec succès une carrière de juriste.
Après la mort de son père, en 1732, Goldoni quitte sa ville natale et échappe à un mariage non désiré. Il s’installe à Milan, puis à Vérone en 1732. Le directeur du théâtre de la ville, Giuseppe Imer, décèle son talent et l’encourage à écrire. Le jeune ambitieux abandonne bientôt sa carrière de juriste pour se consacrer exclusivement à ses activités artistiques. Il épouse Nicoletta Conio en 1736, avec qui il revient dans la cité des Doges.
A la fois écrivain, metteur en scène et comédien, le dramaturge fait ses premières armes dans la tragédie avec Amalasunta. Mais il s’oriente rapidement vers la comédie, genre qui lui sied mieux. L’Uomo del mondo, annonce, en 1738, une carrière prometteuse. L’œuvre se détache du genre alors communément admis de la Commedia dell’arte et inaugure la comédie italienne moderne. Grand admirateur de Molière, l’auteur s’inspire de son travail. La « comédie de caractères » privilégie la place de l’écrit par rapport à l’improvisation. Les masques tombent et les acteurs apparaissent plus naturels, représentent des personnages plus développés que les figures traditionnelles comme Pantalone ou Arlequin. Inspirés de la vie quotidienne, de la bourgeoisie de l’époque, ils sont empreints de réalisme. Les comédies Momolo Cortesan, La Donna di garbo (1744), La Vedova scaltra (1748) ou La Locandiera (1753) suscitent un réel engouement du public.
Mais le dramaturge ne tarde pas à s’attirer les foudres de ses confrères italiens. Carlo Gozzi défend bec et ongles la Commedia dell’arte et fustige ce genre novateur, au réalisme « dangereux ». Sa rivalité avec Pietro Chiari et sa comédie larmoyante passionne les Vénitiens. Las de ces conflits acharnés, Goldoni gagne la France en 1762. Il y rejoint la troupe du Théâtre des Italien avant de trouver reconnaissance et protection dans les plus hautes sphères. Il entre à la cour du roi où il donne des leçons d’italien puis est nommé à la tête du Théâtre-italien. Louis XVI lui accorde également une pension. Carlo Goldoni se met à écrire en français. Sa pièce Le Bourru Bienfaisant est représentée à la Comédie-française en 1771. Le dramaturge italien voue une grande reconnaissance à la France, exprimée notamment dans ses Mémoires.
La Révolution française met un terme à cette période de faste et prive l’auteur de ses pensions. Carlo Goldoni, plongé dans la misère, s’éteint en 1793. Sa veuve obtiendra le rétablissement de sa pension quelques années plus tard.
L’œuvre de Goldoni, riche de plus de 200 pièces de genres littéraires aussi divers que la comédie, la tragédie, l’opéra bouffe ou les cantates et sérénades, est redécouvert à l’époque moderne et révélé par des mises en scènes brillantes, signées Visconti ou Giorgio Strehler. Le théâtre de Goldoni, très apprécié et joué aujourd’hui dans de nombreux théâtres, n’a pas fini de nous divertir.
Jeanne Rolland
Bibliographie sélective :
Tragédie :
- Amalasunta, 1733
Tragi-comédie :
- Belisario, 1734
Comédies :
- L’uomo di mondo (L’Homme du monde), 1738
- La donna di garbo (La Brave Femme), 1743
- L’uomo prudente (L’Homme prudent)
- La vedova scaltra (La Veuve rusée), 1748
- La buona moglie (La Bonne Épouse), 1749
- Il padre di famiglia (Le Père de famille), 1750
- Il bugiardo (Le Menteur), 1750-1751
- La serva amorosa, 1752
- La vedova spiritosa (La Veuve spirituelle), 1755
- La locandiera (L’Aubergiste), 1753
- La villeggiatura (La Villégiature) trilogie, 1761
- Le baruffe chiozzotte, 1962
- Le smanie per la villeggiatura (La Manie de la villégiature)
- Le avventure della villeggiatura (Les Aventures de la villégiature)
- Il ritorno dalla villeggiatura (Le Retour de la villégiature)
- Le Bourru bienfaisant, 1771
Citations :
- « Le sang noble est un accident de la fortune, les actions nobles caractérisent les grands. »
- « Qui n’a pas quitté son pays est plein de préjugés. »
- « Le monde est un beau livre, mais il sert peu à qui ne le sait lire. » (Pamela nubile)
- « – Mais, êtes-vous de Venise ou étranger ? – Je suis gentilhomme napolitain. – Gentilhomme et napolitain ! Deux mensonges d’un seul coup ! » (Le Menteur)
[Visuel : Carlo Goldoni, Playwright Carlo Goldoni (1707-1793). XVIIIe siècle. Huile sur toile. Lieu actuel : inconnu. Source/Photographe : inconnu. Reproduction photographique fidèle d’une œuvre d’art originale en deux dimensions. Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré. Ceci est valable dans les pays où le copyright a une durée de vie de 100 ans ou moins après la mort de l’auteur.]
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