Yerma de Lorca – Une création en clair-obscur au Théâtre 13
Yerma Mise en scène de Daniel San Pedro Avec Aymeline Alix, Audrey Bonnet, Christine Brücher, Du 28 août au 5 octobre 2014 Tarifs : de 16 € à 24 € Durée : 1h30 Théâtre 13 M° Bibliothèque François Mitterrand |
Du 28 août au 5 octobre 2014 Daniel San Pedro adapte, sur les planches du Théâtre 13, la pièce Yerma de Federico Garcia Lorca. Une interprétation qui découvre des zones d’ombre et de lumière. Dans une société où l’adage de rigueur veut “les femmes à la maison et les brebis au bercail”, Yerma est mise à l’index comme le mouton noir. Une douloureuse infertilité affecte son couple, ébranle son identité de femme. Mais avant d’enfanter, ne faudrait-il pas déjà naître soi-même et s’épanouir dans cette société étriquée par la tradition, la religion et la morale ? Au-delà d’une peinture de la société paysanne espagnole du début du XXe siècle, le texte touche aux thèmes universels de la condition féminine et du besoin de reconnaissance. Lorca raconte l’exclusion, la frustration, la désunion. Ombres et lumières tracent les contours délicats de rêves inachevés. Dans l’entrebâillement de non-dits s’ouvrent des espaces inexplorés où l’obscurité irradie son mystère. On peut saluer un fin travail de scénographie, un dispositif intelligent de portes coulissantes et un jeu de lumières subtil et éloquent. Mais si la délicatesse et la légèreté d’une poésie pure nimbent le plateau, un contrepoint essentiel, pierre angulaire de l’œuvre de Lorca, le corps, manque à l’appel. On aurait aimé pouvoir sentir, palper cette femme déniée et refoulée au fond de l’héroïne, dans toute sa puissance latente. Audrey Bonnet ne laisse pas entendre ce volcan endormi qui gronde des tréfonds de son être. Le désir de maternité, par essence profondément incarné, ne résonne pas non plus dans la chair frustrée de Yerma. Cette absence d’incarnation atténue l’intensité tragique de l’interprétation qui abonde ainsi malgré elle dans cette vision de femme “inachevée” que la société lui inflige. Sans tomber nécessairement dans une “espagnolade convenue”, et tout en replaçant la pièce dans un cadre contemporain, on aurait pu tirer le suc universel de la culture andalouse, en faire jaillir sa sensualité, son feu. Mais Yerma demeure de part et d’autre de la pièce comme une fleur desséchée. Ainsi, nous sortons quelque peu frustrés dans notre désir d’assister à l’éclosion de l’œuvre du dramaturge espagnol dans toutes ses couleurs et ses parfums contrastés. Jeanne Rolland À découvrir sur Artistik Rezo :
[Visuel : Yerma au Théâtre 13 © Brigitte Enguerand] |
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