Xavier Adrien Laurent, artiste dramatique – Le Lucernaire
Il plane sur la cité phocéenne une « culturophobie » qui colle comme une malédiction sur les téméraires Marseillais qui auraient la mauvaise idée d’aller tâter d’autre chose que du ballon rond ou du pastaga. Jouer Racine avec l’accent de la Canebière vous fout une crédibilité en l’air en moins de deux alexandrins. Bref, dans un métier déjà passablement verrouillé et vérolé, arriver de Provence, pays pourtant de Pagnol et Giono, ouvre surtout les portes des emmerdes…
Sublimer le sordide par la valeur des mots, transfigurer l’objet en lui conférant mille rôles, captiver un auditoire pas toujours à sa cause acquise, quitte pour cela à « aller chercher des choses à la cave » et les faire flamboyer au grand jour pour la seule beauté du geste, l’unique force du verbe, l’intarissable amour du jeu, n’est-ce pas là que se love toute la raison d’être du comédien ? L’amour du jeu et non du je, la mise au service du texte de son corps et de son âme. En rêver, en crever parfois aussi mais s’en relever. En 2013, que signifie donc être comédien ? Qui plus est dans cette ville qui, sous ses atours éphémères de capitale de la culture, reste surtout celle, indécrottable, du ballon rond ?
Xavier Adrien Laurent va développer toutes les facettes de cet art, de son art. Intercalant aux extraits de textes classiques (Hugo, Baudelaire, Racine) les apanages de la modernité et la paupérisation linguistique qui leur incombe, mêlant son propre parcours de méridional à la foi plus cramponnée aux tripes que celle de ses congénères aux pelouses des stades et le constat désastreux de ce qu’il reste aujourd’hui de la grandeur du métier quand sont passés par là les feuilletons télé débiles, XaL, ainsi qu’il se nomme lui-même, livre un hommage passionné et passionnant à son métier, son sacerdoce, sa vocation.
Le texte fourmille de fulgurances, de ce genre de phrases qu’on apprendrait volontiers par cœur tant leur éclatante évidence nous explose en pleine figure lorsque, littéralement habité par son jeu, le comédien nous les livre. Sa performance (oui, le mot n’est pas trop fort) va très loin et pourrait désarçonner un public non averti (mais le spectacle se déroule au Lucernaire, dont les habitués en ont quand même vu d’autres). Car derrière ce cri d’amour à un métier qui le dévore, le comédien laisse entrevoir un désarroi qui ne se pare toutefois jamais de lassitude. La passion ainsi chevillée au corps fait naître d’inévitables désillusions surtout lorsqu’on la voit torpillée par moins passionnés, par de pseudos artistes galvaudés dans la bassesse. Reste alors à le rire. Salvateur et consolateur.
Franck Bortelle
Xavier Adrien Laurent, artiste dramatique
Mise en scène de Hervé Lavigne
Collaboration Artistique : Marie Guibourt
Textes de XaL, avec la complicité d’Hervé Lavigne et Sam Khébizi
Lumières : Stéphane Neville
Du 10 juillet au 6 octobre 2013
Du mardi au samedi à 20 heures
Les dimanches 22, 29 septembre et 6 octobre à 15h
Relâche le 20 septembre
Réservations : 01.45.44.57.34 ou www.lucernaire.fr
Durée : 1h20
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
M° ND des Champs ou Vavin
[Photo : Fabienne Rappeneau]
Articles liés
MINIATURE : l’expo événement pour les 10 ans de la Galerie Artistik Rezo
La galerie Artistik Rezo et FIGURE s’associent pour présenter la troisième édition de l’exposition MINIATURE : un événement unique en son genre à l’occasion des 10 ans de la galerie. Cette édition réunit plus de 80 artistes français et...
Justice livre un show explosif et festif à l’Accor Arena de Paris Bercy
Ce mardi 17 novembre 2024, après une première partie orchestrée par Pedro Winter, boss du label Ed Banger, Justice a électrisé une salle pleine à craquer, première date des deux soirées prévues à Paris, chez eux, à domicile. La...
Marion Mezadorian pète les plombs au Théâtre Victor Hugo
Avec son précédent “one woman show”, Pépites, Marion Mezadorian a défrayé la chronique. Dans la même veine, celle d’une performance scénique où l’humour le dispute à l’émotion, cette nouvelle création donne la parole à celles et ceux qui craquent...