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Virginie Pradal – interview

20 mars 2013
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Virginie Pradal

Virginie, comment le théâtre est-il arrivé dans votre vie ?

En fait, je rêvais de devenir danseuse mais la vie, et surtout mes parents, ne m’ont pas permis de pratiquer cette discipline étant enfant. C’est le soir où j’ai vu à la télévision, la retransmissions de Ruy Blas, que le théâtre est devenu une évidence. J’ai eu une révélation et, dès le lendemain, j’achetai le texte, je l’appris et le jouai, pour moi toute seule. Ainsi, à 19 ans, je m’inscrivis — en ayant travaillé l’été pour me payer les cours — au Cours Simon. J’en suis ressortie quatre ans après avec mon premier contrat professionnel en poche et la ferme intention de présenter le concours d’entrée au Conservatoire. J’ai un peu été regardée de travers car je jouais alors aux côtés de Roger Nicolas et Pierre Doris à l’Européen dans une comédie à succès Seuls les tilleuls mentent mais j’ai réussi. Après en être sortie avec plusieurs prix, j’ai été engagée à la Comédie Française.

Vous y êtes restée onze ans puis avez démissionné. Pourquoi ?

J’ai eu la chance d’y travailler avec Pierre Charron, Robert Hirsch, Jean Piat ou Louis Seigner par exemple. Nous somme devenus amis. Nous avons ri ensemble. Je les admirais et les aimais. Après leur départ — décès, départs volontaires ou mise à la retraite — l’ambiance a changé. Elle est devenue éminemment politique et moi, je n’étais pas faite pour ça. Alors j’ai démissionné.

La reconversion dans le privé n’a pas été difficile ?

J’en venais avant d’entrer au Français ! Avant même d’en partir, je jouais au Théâtre Fontaine avec Micheline Presle et depuis, je n’ai pas cessé de jouer, tant sur les planches qu’à la télévision et au cinéma. Pourtant, je n’ai jamais eu à passer un coup de fil pour me « vendre ». De toute manière, j’en aurais été incapable. Je suis trop timide, pas du tout mondaine. J’ai eu de la chance, les metteurs en scène ont fait appel à moi et ça continue, y compris avec la jeune génération. Je trouve cela formidable !

Comment expliquez-vous cela, hormis votre talent ?

J’ai gardé une certaine fraîcheur, je pense que cela transparaît. Je n’ai jamais fait de vacheries mais je sais planter les crocs si on m’en fait. Je ne triche pas. Alors, bien sûr, je suis un peu directe et je dis toujours ce que je pense mais sans jamais me laisser emporter par la colère. Je cohabite très bien avec moi-même. Aussi, suis-je toujours de bonne humeur. De fait, j’adore rire et amuser les gens et je suis toujours un peu excentrique mais on sait que l’on peut compter sur moi, sur mon engagement, sur mon travail. Ne faisant partie d’aucune chapelle, je suis toujours prête à passer d’un univers à un autre. Un rôle fou ne me pose jamais de problème même si ça demande toujours du travail… et je travaille beaucoup !

 
Vous êtes en super forme. Vous faites du sport ?

Non. Un un peu de danse encore mais c’est tout. Ce qui me maintient, c’est la vie, que j’aime. Quand je me lève le matin, j’ai une quantité de choses à faire. Il y a bien sûr ma famille, mes amis mais je suis aussi antiquaire. J’organise deux ventes par an dans mon showroom et je pratique des expertises pour les Emmaüs. Aussi, j’arrive parfois au théâtre fatiguée mais dès que je me maquille dans ma loge, je me sens à nouveau en pleine forme. Certains commencent leur journée au théâtre, moi, je l’y termine. Je ne cours pas les cocktails par exemple et préfère passer mes soirs de relâche chez moi, entourée de ceux que j’aime. Oui, je l’avoue, je suis un peu casanière.

Quelle est la part du théâtre dans votre cœur ?

J’ai aimé tourner au cinéma et à la télévision, mais le plaisir que j’y ai éprouvé n’avait rien à voir avec celui que je ressens au théâtre . Quand le rideau se lève, je ne dis pas que je joue ma vie mais il faut aller au bout comme le veut le metteur en scène, pour faire plaisir au public que l’on ressent chaque soir être une personne différente. Attention, je ne crache pas dans la soupe, j’ai par exemple pris un plaisir fou à faire une des choses les plus légères qui m’aient été proposées à la télé « Les filles d’à côté ». On peut dire ce qu’on veut, mais c’était délirant. on tournait un épisode tous les deux jours. Ca faisait travaille ma mémoire et j’y ai acquis une liberté incroyable à jongler avec ce que je saisissais des mots, des situations.

Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Ce sont surtout des gens, que j’aimais et admirais comme Jacques Villeret qui était mon ami ou travailler avec Maurice Béjart avec qui j’avais une relation magnifique ou encore mes délires avec Charon et Hirsch et des rôles fous comme celui de « Dévorez-moi » car j’aime les personnages allumés.

Et les pires ?

Je n’aime pas trop m’en souvenir. Ce sont plutôt les désillusions humaines. Mais si vous voulez une anecdote en voici une, terrible : un jour, j’étais chez moi un dimanche après-midi, en pyjama, mon fils de six mois dans les bras. Le téléphone sonne. Au bout du fil, une voix affolée : on va baisser le rideau car tu n’es pas au théâtre ! Une horreur, je m’étais trompé dans mon planning ! Ni une ni deux, j’ai jeté mon fils dans d’autres bras et me suis précipitée au théâtre ! Ce fut mon seul retard !

 
Quels sont vos rapports avec le trac ?

J’ai le souvenir d’avoir espéré qu’il y ait le feu à la Comédie française le soir où j’ai dû reprendre un rôle que je n’avais pas joué depuis plusieurs mois et que je n’avais pas eu le temps de re-répéter. Mais mes angoisses principales, c’est pendant les répétitions. Car quand on l’a fait une fois, on sait qu’on peut le faire mais il faut y arriver à cette première représentation. Ensuite, ça va…une fois les premières minutes passées !

Avez-vous le sentiment d’être passée à côté de quelque chose dans votre carrière ?

Sans doute, mais je ne regrette rien. Ma timidité a fait que j’ai du rater des contacts, je n’ai jamais su me vendre, agripper les gens qui passent à portée. Mais je suis faite comme ça…

Vous avez tout joué. Vers quoi aimeriez-vous aller aujourd’hui ?

Je crois que je peux tout jouer car, d’une part je fais mes classes depuis 66 et d’autre part, j’ai à l’intérieur de moi tous les sentiments humains. Il suffit de les exprimer en puisant dans ce que l’on est, dans ce que l’on ressent… et de se faire confiance. J’aimerais aller vers un rôle de tragédienne pur, dans une grande tragédie. C’est peut-être le seul regret que j’ai. Au Conservatoire, J’allais en douce dans la classe dramatique d’Antoine Vitez alors que j’étais dans la classe comédie de Louis Seigner. Un jour ce dernier m’y voit jouer et me dit « Coco, pour moi, c’est ça la tragédie »… tout en me gardant précieusement avec lui !

Vous allez bientôt pouvoir réaliser ce rêve semble-t-il ?

Oui, je quitte l’aventure « Un pavé dans la cour » un peut tôt mais Didier Caron a bien compris que je considère que l’on vient de m’offrir le rôle de ma vie dans « Un garçon sort de l’ombre » au Poche Montparnasse. C’est une sorte de Médée moderne. Je ne vis plus. Je m’endors avec le texte, je me réveille dedans. Je sais que je vais y arriver mais la question est comment faire le mieux possible pour être au plus proche du personnage que l’on me fait jouer ? Ce chemin est toujours douloureux en ce qui me concerne mais à l’accouchement, quel bonheur ce sera! En attendant, pendant les répétitions, je souffre. Pour moi c’est un passage obligé…

A suivre donc !

Caroline Fabre

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