Une Traviata brûlante de vie au TCE
Dans une mise en scène contemporaine de l’Anglaise Deborah Warner, l’opéra de Verdi fait actuellement un triomphe au Théâtre des Champs Elysées avec dans le rôle titre une jeune cantatrice française de 31 ans, Vannina Santoni. Le jeune chef Jérémie Rhorer est aux commandes du Cercle de l’Harmonie qui joue sur le diapason originel. Une merveille.
Entre un salon mondain et l’hôpital
Le spectacle débute dans une salle d’hôpital des années 40-50, sur un immense plateau moiré de noir et couvert de lits en fer blanc, qui vont bientôt se transformer en cercueils. Cette scénographie somptueuse, que signent Chloé Obolensky et Jean Kalman, tous deux également et respectivement auteurs des costumes et des lumières, dessine un paysage brûlant qui oscille constamment entre la mort et la vie, rêve et cauchemar. D’ailleurs, le centre du plateau est occupée par une immense pierre tombale rectangulaire, qui fait aussi office de salle de bal. Violetta, séductrice et amante sublime dans sa robe de princesse rouge sang, est ainsi doublée, tout au long du spectacle, par une jeune femme malade, en tunique blanche (la comédienne-danseuse Aurélia Thierée), fantôme errant et complice réelle du personnage qui danse sur scène, comme pour signifier que la mort est au départ déjà inscrite dans l’histoire.
Direction d’acteurs remarquable
Ce souci de l’incarnation, exigé par le metteur en scène Deborah Warner, se traduit à chaque instant dans cette production qui ne se satisfait d’aucun cliché. Vannina Santoni, jeune soprano dont c’est une première prise de rôle, est à cet égard éblouissante de vérité et d’authenticité. Virevoltante et sensuelle dans la première scène du bal, amoureuse passionnée avec Alfredo sur un matelas posé à même le sol, elle se métamorphose de manière très naturelle en tuberculeuse sacrifiée sur l’autel de l’honneur social, notamment face au Germont père de Laurent Naouri, parfait dans le timbre et la convention bourgeoise. Chaleur de la voix, nuances dans la souffrance avec des notes pianissimo, quasiment sur le souffle, rondeur des aigus bien projetés, éclatants de joie ou de désespoir, la jeune cantatrice qui affronte un rôle écrasant réussit parfaitement le challenge et ravit totalement le public.
Une interprétation revivifiée
Dans la fosse, le chef Jérémie Rhorer, à la tête de son ensemble baroque le Cercle de l’Harmonie, a souhaité abaisser le diapason actuel pour retrouver celui d’origine, à l’époque de Verdi, plus bas (432 Hz) et laisser toute les reprises, en supprimant les notes suraigües qui ne sont pas dans le livret. Le résultat est magnifique et on se prend à redécouvrir cette oeuvre, tant cette nouvelle interprétation laisse place aux nuances, à l’expression distincte des instruments, à l’émotion vibrante, sans couvrir les voix par une masse de violons trop présents. Attentif, respectueux de la partition et de l’interprétation, le chef réalise un sans faute. Saimir Pirgu, un peu frais en début de spectacle, déploie une belle et franche voix de ténor latin et se montre superbement convaincant dans un rôle d’amant désespéré et révolté. Catherine Trottmann (Flora), Clare Presland (Annina), Marc Barrard (Douphol) et Francis Dudziak (D’Obigny) complètement cette distribution vocale à laquelle vient s’adjoindre un bouquet de danseurs et le Choeur de Radio France. Un vrai bonheur.
Hélène Kuttner
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