Une “Passion” effervescente signée Natalie Dessay et Fanny Ardant au Châtelet
Passion De Stephen Sondheim Mise en scène de Fanny Ardant Avec Natalie Dessay, Ryan Silverman, Erica Spyres, Shea Owens, Karl Haynes, Roger Honeywell, Michael Kelly, Nicholas Garrett, Franck Lopez, Damian Thantrey, Matthew Gamble, Tara Venditti et Kimy McLaren Les 18, 19, 22, 23 et 24 mars à 20h, le 20 mars à 16h Tarifs : de 10 à 89 € Réservation en ligne Durée : 1h45 Théâtre du Châtelet M° Châtelet |
![]() Ce n’est pas un hasard si la mise en scène de cet opéra de Sondheim a été confiée à Fanny Ardant. Le compositeur américain de 85 ans, star aux États-Unis et depuis quelques années au Théâtre du Châtelet avec des chefs-d’œuvre comme A Little night music ou Sweeney Todd, a composé une “tragédie musicale” inspirée du film d’Ettore Scola Passion d’amour dans lequel un bel officier italien, incarné à l’époque par Bernard Giraudeau, tombait progressivement amoureux fou d’une femme malade et laide alors qu’il était auparavant épris d’une très belle femme mariée. La particularité de ce musical, qui n’a peut-être pas eu le succès mérité en Amérique, tient dans la gravité et l’intensité de son sujet où la passion et le drame tiennent davantage de place que l’humour et la légèreté. On a pu comparer l’opéra à Norma de Bellini par la similitude de ce triangle amoureux où un homme est écartelé entre deux femmes qui sont à l’opposé. Stephen Sondheim est bien au faîte de son talent qu’il déploie ici en une longue chanson rhapsodique aux leitmotivs déchirants, qui fait se croiser les lignes de chant et les passages parlés au cœur d’une intimité psychologique saisissante. La beauté de la partition et sa complexité mélodique sont ici formidablement prises en charge par les 40 musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigés par Andy Einhorn. Dans des décors sombres à la géométrie mouvante, panneaux noirs et blancs du peintre Guillaume Durrieu qu’on aurait préféré moins austères, Natalie Dessay est Fosca, cette femme solitaire, torturée par un mal mystérieux, qui s’agrippe comme une folle au jeune et beau capitaine Giorgio qu’elle enveloppe d’une passion dévorante. Dans un anglais parfait, la soprano déploie ici la puissante dramatique qui lui permet de donner chair à tous les personnages qu’elle incarne avec une justesse vocale et une précision formidables. À l’aise dans les notes graves de la partition, l’artiste se fond dans l’univers tourmenté et déchirant de son personnage avec la souplesse et la sensibilité d’un pauvre animal blessé par la vie.
Dans le rôle difficile du capitaine envoûté, Ryan Silverman réunit avec finesse toutes les qualités nécessaires au personnage. Il chante magnifiquement, déploie sa haute stature avec l’élégance et le charme d’un acteur de cinéma en séduisant tous les personnages. Le couple qu’il forme avec Erica Spyres, éblouissante Clara, blonde et sensuelle, imprime à l’opéra la vitalité artistique des meilleures comédies musicales américaines. À la mise en scène, Fanny Ardant s’est rapprochée au plus près du livret en jouant intelligemment sur l’alternance des scènes et l’échange de lettres, faisant apparaître les silhouettes comme dans un rêve, apparitions brumeuses, fantasmatiques. Les lumières ciselées d’Urs Schönebaum sculptent l’espace dans la profondeur d’une perspective mentale qui brouille les pistes du spectateur. On ne sait plus qui parle, qui écrit, comme pour nous faire saisir la force intrinsèque d’une passion amoureuse. La mort est là, qui frémit et qui accueillera la destinée de Fosca, morte après avoir aimé. Quelle passion vertigineuse ! Hélène Kuttner [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=7rWcDNMSu1A[/embedyt] [Photos © Marie-Noëlle Robert – Théâtre du Châtelet ] |
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