Un Tramway – Théâtre de l’Odéon
Chassée de chez elle, Blanche DuBois débarque à la Nouvelle-Orléans pour habiter chez sa sœur Stella et son mari, Stanley Kowalski. Les circonstances qui ont poussé Blanche à quitter sa ville natale ne sont pas claires – et Blanche ne semble pas vouloir les éclaircir. L’appartement dans lequel vivent ces trois personnages est petit, étouffant. La chaleur et la promiscuité leur montent à la tête, poussent Blanche vers unefolie déjà en germe, alors que Stanley ne dissimule pas sa haine. Les esprits s’échauffent, la tension gonfle dans la chambre crasseuse…
Cette chaleur d’où naît la sensualité, cette promiscuité destructrice, Warlikowski les a éliminées de sa mise en scène. Le plateau, immense, est d’une froideur glaciale – tout est blanc et noir, éclairé par la lumière crue des néons. Sous cet éclairage impitoyable, les comédiens sont blafards. De part et d’autre de l’espace immense, ils ne se touchent presque jamais, annulant cette sensation d’étouffement qui fonde leurs actes dans la pièce de Tennessee Williams.
Sur ce plateau qui n’en finit pas, les comédiens semblent perdus, effacés. SaufIsabelle Huppert, autour de laquelle est pensée toute la mise en scène. Stanley (Andrzej Chyra) a perdu cette virilité sauvage qui le caractérise dans le texte original – si bien qu’on ne comprend pas le jeu de séduction malsaine qui se met en place entre lui et Blanche. Stella (Florence Thomassin) est d’une fadeur insondable : le personnage de Stella a bien plus de profondeur que cela. Tout tourne autour de Blanche, dont le paysage mental est représenté par des vidéos – Warlokowski a au moins compris la mégalomanie destructrice qui mène Blanche à sa perte.
Et pour mieux signifier cette longue descente aux Enfers, Wadji Mouawad a choisi de parsemer le texte de références diverses.De Platon à Coluche, de Sophocle à Claude Roy, ces allusions à d’autres textes ont sans doute pour but de donner plus de poids encore aux actes des personnages. Sauf que cela donne l’impression désagréable que les mots de Tennessee Williams ne suffisent pas. Cela est vrai dans cette mise en scène déshumanisée, privée de toute sensualité – mais cela n’est pas la faute de Williams.
Une création pleine de trouvailles stylistiques, magistralement interprétée par Isabelle Huppert – au détriment du reste de la distribution – mais qui prive la pièce de Tennessee Williams de toute humanité, de toute chaleur humaine, de toute sensualité. Dans la mesure où ces trois éléments font le génie de Tennessee Williams, on ne peut s’empêcher de penser que Warlikowski a bien fait de renommer cette production : aucun désir dans ce Tramway.
Audrey Chaix
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Un Tramway
D’après Un Tramway nommé Désir de Tennessee Williams
Mise en scène de Kzrysztof Warlikowski
Texte français de Wadji Mouawad
Avec Isabelle Huppert, Andrzej Chyra, Yann Collette, Renate Jett et Cristiàn Soto
Jusqu’au 3 avril 2010
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 15h
Tarifs : de 12 à 32€
Tous les jeudis, tarif exceptionnel : 24€
Réservations au 01.44.85.40.40
Durée : 2h45
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris
M° Odéon ou RER B Luxembourg
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