Un Tartuffe électrique à Aubervilliers
Tartuffe ou l’Imposteur De Molière Mise en scène de Benoît Lambert Avec Marc Berman, Stéphan Castang, Anne Cuisenier, Yoann Gasiorowski, Florent Gauthier, Étienne Grebot, Raphaël Patout, Aurélie Reinhorn, Camille Roy, Martine Schambacher, Paul Schirck et Emmanuel Vérité Jusqu’au 29 mars 2015 Tarifs : de 6 € à 23 € Réservation au Durée : 2h L’Embarcadère M° Aubervilliers – Pantin – Quatre Chemins Navettes gratuites du mardi au vendredi pour le retour sur Paris |
Jusqu’au 29 mars 2015
Dans la toute nouvelle salle de l’Embarcadère, en face de La Commune, Benoît Lambert met en scène avec ses comédiens complices la plus sulfureuse des comédies de Molière. Un éclairage moderne, captivant et terriblement intelligent sur l’histoire d’une imposture. Un tableau de famille bourgeoise qui disjoncte Le début de la pièce commence en fanfare, éclairages en noir et blanc sur une longue table rectangulaire sur laquelle les restes d’un repas dominical font des taches de couleur. La bande-son musicale, omniprésente, est subtilement rythmée tandis que Madame Pernelle, matrone bigote et éructante d’imprécations contre le libertinage, s’emporte contre tout le monde, incarnée magistralement par Stéphan Castang avec sa voix de basse. Quand survient son fils Orgon, il souffle sur la scène un vent de folie. Ne voilà-t-il pas que ce bourgeois précautionneux, bon père de famille recomposée aux tempes grises, joué par un Marc Berman dont le physique, en costume trois pièces impeccable et sombre, rosette sur le revers, fait immanquablement penser à DSK, s’est pris d’une affection délirante pour un certain M. Tartuffe, en rêve la nuit, jusqu’à en oublier femme et enfants ! Louis Jouvet disait du personnage de Tartuffe que c’était un contresens de faire de lui un monstre ignoble, répugnant. Qu’il devait être au contraire charmant et inquiétant. Benoît Lambert creuse cette piste, avec un personnage de voyou séducteur qui ressemble davantage à Arsène Lupin, qu’Emmanuel Vérité campe à merveille. Le metteur en scène rend même Elmire (Anne Cuisenier) victime de la séduction perverse de Tartuffe, qui réussit tout de même, après avoir ensorcelé le père et visé le mariage avec sa fille, à conquérir la belle-mère. Dès lors, le personnage de Tartuffe, éliminé à la fin de la pièce par un “happy end” qui rétablit l’ordre moral et religieux, vient révéler les failles d’un vernis familial très fragile. Une mise en scène rythmée et vive La musique, les éclairages, les changements à vue d’un décor assez léger, dans un cadre scénographique intelligent et translucide qui laisse voir la circulation permanente des corps, tout concourt à l’efficacité et à la clarté de ce spectacle. Il faut dire que les acteurs sont tous généreusement impliqués, avec une Dorine très réussie, explosive de spontanéité, jouée par Martine Schambacher, épatante. Les répliques claquent avec la fraîcheur d’une vérité qui date de plus de trois siècles, les alexandrins sonnent clair comme des sous neufs, on rit, on se désespère, on exulte. Une réussite de clarté et d’intelligence ! Hélène Kuttner [Crédit photos © Vincent Arbelet] |
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