“Un espace culturel est avant tout un espace de rencontre” : Julie Louart casse le 4e mur du spectacle vivant
Julie Louart, directrice artistique et metteuse en scène de la compagnie CriArts, nous invite à un moment de partage où la parole et les valeurs se rencontrent. Ce rendez-vous pourrait bien être l’occasion d’échanger sur nos rêves, mais nous avons essayé de rester concentrées pour discuter des perspectives du micro-format de la 4e édition du festival itinérant “Le Vivier : de soi à l’autre, quand les frontières deviennent des ponts” à la Bellevilloise, le 26 mai.
Dans cette exploration, l’autre et l’Autre se conjuguent harmonieusement. La dynamique des relations humaines, et particulièrement la façon dont nous nous percevons mutuellement, passionne Julie et moi. Elle nous incite à réfléchir sur la manière dont nous pouvons activement partager un même espace, et nous plonge dans ces philosophies.
Julie fait une introduction.
“Bienvenu au Pachyderme à République, autour d’un verre de vin et d’un thé. Qui suis-je ? Je le dirai à travers la compagnie. La compagnie des CriArts est née d’un spectacle de fin d’année avec Mathieu, qui était mon alter ego artistique de l’époque. On a monté une pièce qui s’appelle ‘Terre Morte’ de Franz Xaver Kroetz qui nous ressemblait beaucoup.
À la base, c’est un jeu de mot qui est là pour montrer qu’on avait une vision de l’art assez spéciale. On fait du spectacle vivant pour pouvoir crier des choses avec une certaine liberté. La scène c’est le seule endroit où on a la possibilité de faire tout ce qu’on veut. Un cri de cœur. Une présentation de tout ce que peut être la violence de la société. De la rendre poétique sur un plateau. D’assumer de la présenter. Un cri de tout ce qui nous estimons comme injuste.”
Julie plonge dans la douceur et la philosophie de son militantisme.
“Nos pièces sont des ‘face-to-face’. Il faut accepter d’en prendre bien la tronche. Notre univers est contemporain et pluridisciplinaire, toujours engagé. Des textes puissants qui essaient d’être une forme de révolte. Comment je peux, à travers l’art, être plus proche d’une vérité. Ce n’est pas simple. Comment casser le 4e mur, requestionner le public, sa place, et son acte.
Mon but est d’aller toucher le public par le sensoriel complet. Lui donner la possibilité de ne pas juste être spectateur, mais d’agir, ou ne pas agir. D’aller toucher ses souvenirs, sa mémoire, son ressenti. Je tente vers des choses hybrides où le public doit faire acte de quelque chose. Je casse la notion de ‘je vais voir un spectacle’ pour la transformer en ‘le spectacle vient à moi’.
Au fil du temps, les rencontres sont les choses qui m’ont fait le plus grandir. Pour moi, un espace artistique et culturel est, avant tout, un espace de rencontre. Même dans des contextes non conventionnels, le public a l’opportunité privilégiée de rechercher sa propre vérité.
L’idée est de rassembler autour d’une discipline artistique. Transmettre pour partager. Ma vision du théâtre est dans l’ensemble. Ensemble, on est meilleur. Ensemble, on est plus fort. Ensemble, on avance plus vite. Ensemble, on apprend de l’autre et on s’enrichit.
Le Vivier rassemble toutes les valeurs de la compagnie. C’est ce temps, cet espace d’échange, de rencontre intergénérationnel, interdisciplinaire. C’est de permettre à tou.te.s d’avoir un temps de parole.
Julie fait un pas en arrière.
“Le festival est né en 2019, Place des Fêtes, le 19e arrondissement, 15 jours. Une grande folie. Je ne regrette rien. Des performances artistiques, des spectacles académiques, des temps de paroles avec la veillée de libre pensée, des actions culturelles, des ateliers de divers disciplines, des ateliers avec les associations partenaires. Créer du lien. Rassembler. Pouvoir réfléchir sur des thèmes qui nous tiennent à cœur et qui sont actuels, que ce soit l’insertion, l’égalité homme-femme, mais l’égalité totale et complète.”
Julie fait un pas en avant.
“Cette 4e édition se fera sur un weekend en novembre 2024. Le thème : ‘De soi à l’autre : quand les frontières deviennent des ponts’.
C’est une nécessité pour moi, comme pour tous les acteur.ice.s culturel.le.s que j’ai rencontré, de traiter la crise écologique et d’en faire un lien avec le féminisme. Jour 1, la migration. Jour 2, les amazones vertes. De soi à l’autre.
“Un temps suspendu. Essayer de se reconnecter à l’autre, à la planète, à soi. Intégrer la notion d’étranger. Faire en sorte qu’elle soit positive. L’aimer.”
Julie s’ancre dans le moment présent, deux pieds sur terre, l’autre quelque part dans les cieux.
“On ne pouvait pas attendre Novembre, donc on a proposé un micro format dans ce magnifique lieu qui est La Bellevilloise. Un espace éco-responsable, très familial, communale, sans paillettes. On s’y attend à un moment populaire, mais exigent. On est à l’aise de partager avec l’Autre. Les choses se pérennisent et grandissent.
On se penche sur les Amazones Vertes et on prend le temps pour parler d’écoféminisme. Un partenariat avec AirParif, une fresque collaborative autour de la qualité de l’air. Comment réfléchir ensemble, tout âge confondu, interactivement et ludiquement, aux possibilités des petites échelles qu’on a pour faire évoluer les choses.
Se connecter à l’environnement pour pouvoir prendre soin de soi et derrière, prendre soin de l’autre. Un atelier de bien-être, pour essayer de trouver, par le biais de l’auto-massage et de la respiration, comment on peut prendre soin de soi seul.e. Respirer. Oublier la vie parisienne.
Ensuite, une performance jeune public dès 2 ans, “Le mariage du prince des ordures et d’Achillée”, en partenariat avec le Théâtre Paris Villette, où les textes ont été écris par les artistes de 8 ans. Iels ont pris le temps de réfléchir à cette crise écologique et ont formé leur propres point de vue. Iels ont des choses à dire sur comment iels se sentent dans ce monde.
Et finalement, la veillé de libre pensée, une veillée au coin du feu, orchestrée par Manon Aounit. Un temps où je peux me sentir prêt.e à me dire, sans forcément me lever la main, je sens que je peux parler. Je ne me sens pas jugée. Je me sens à l’aise. C’est d’essayer de créer cet espace là où chacun.e peut prendre la parole et qu’elle soit diffusée. Sur le plateau, des associations partenaires, des chiffres, des conseils, des adresses utiles.
Prendre conscience peut aussi se faire avec douceur à travers l’art, les performances, des lectures, qui font acte de cette prise de conscience. Par exemple, une installation immersive, Sodome Ma Douce qui traite le mythe de Sodome et Gomore recontextualisé. Redonner la voix aux femmes, à la nature, arrêter de censurer le rapport sexuel.
Une statue de femme est enrobée de draps. Au fur et à mesure, elle reprend vie, la pluie lui tombe dessus, la nature lui donne acte d’existence, acte de mémoire, acte de souvenir. C’est d’essayer de redonner vie à cette culture de l’égalité de la femme qui pour moi représente beaucoup la nature qu’on essaie de détruire. D’où l’intérêt de vouloir relier le féminisme et l’écoféminisme.
Son récit, elle te l’adresse. De toi, à elle. Elle prend le temps de te regarder dans les yeux, elle déambule dans le public avec toi, elle s’arrête, elle se pose avec toi. Et tout le dialogue, le récit, c’est de comment, grâce à toi, grâce aux autres, son histoire, son récit, va être entendu par d’autres puisqu’il va raisonné et va ‘être ensuite partagé. Le récit parle de ça. Comment partager une mémoire, un souvenir pour qu’on ne fait pas les mêmes erreurs.
Tout ça est agrémenté d’une exposition de dessin-collage qui s’appelle « Ravageuse ». Je me retrouve beaucoup dans ce mot. Tout est fait à la main. Du dessin architecturale ou s’y ajoute des collages de femmes qui se réclament dans un espace urbain qui n’est pas adapté à elles.”
Julie m’emmène avec elle dans son exploration artistique. Elle me reaffirme ma conviction que l’art ne peut qu’être humain, et que “l’environnement” veut littéralement dire ce qui nous environne, et pas que ce qui nous entoure.
Interview realisé par Farida Mostafa
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Événement partenaire du Club Artistik Rezo
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