Un Don Juan crépusculaire à l’Athénée
Don Juan revient de guerre D’Ödön von Horvath Mise en scène de Jacques Osinski Avec Caroline Chaniolleau, Jusqu’au 18 avril 2015 Tarifs : de 8 à 34 € Réservation en ligne Durée : 1h50 Athénée Louis Jouvet M° Opéra |
Jusqu’au 18 avril 2015
Le Don Juan d’Ödön von Horvath est un séducteur abîmé par la guerre de 14-18. Sa quête désespérée d’une fiancée disparue fait de lui un être fantomatique et cynique. Jacques Osinski monte l’une des dernières pièces de son auteur de prédilection qu’il a exploré depuis ses débuts. Une atmosphère crépusculaire de fin du monde enveloppe ce retour de guerre d’un séducteur meurtri. Un monde de femmes Sur le plateau élégant de l’Athénée, un monde de femmes qui pépient et jacassent. Elles sont jeunes et jolies, soubrettes, stylistes, filles ou mères qui s’occupent à se procurer de l’argent ou à traquer les bonnes affaires. Les temps sont durs après guerre et l’Allemagne a payé le prix fort de ses attaques meurtrières par une économie dévastée et une industrie en ruine. Ödön von Horvath a vécu cette époque lorsqu’il écrit sa pièce en 1935 et qu’il est considéré par les nazis comme un auteur “dégénéré”. Ses prises de positions politiques, son engagement littéraire à peindre la réalité dans sa cruauté brutale, son humour cinglant le rangent parmi ceux qui dérangent par leur liberté et leur talent. La scénographie de Christophe Ouvrard divise les appartements et la rue par un rideau blanc, extérieur et intérieur se confondent dans une lumière poudrée qui caresse les corps sensuellement. L’élégance du décor et des costumes souligne le contraste entre la petite bourgeoisie qui cherche à rebondir vaille que vaille et la souffrance de la rue qu’on devine. Un prédateur froid Le Don Juan cassé par la guerre va errer de femme en femme, profitant de l’une, s’affairant avec l’autre, mère ou fille, serveuse ou paysanne. Alexandre Steiger interprète le personnage avec un détachement glacial et une arrogance provocante face à Caroline Chaniolleau (la mère), Noémie Develay-Ressiguier, Delphine Hecquet, Agathe Le Bourdonnec et Alice Le Strat qui sont les jeunes filles. La musique omniprésente et le rythme lent des scènes au charme précieux confèrent au spectacle un aspect étrange et irréel, que vient souligner la neige qui inonde la scène finale avec un Don Juan givré de froid et de peur. On aurait souhaité cependant davantage de vigueur, de passion et de médiocrité dans le traitement de ce petit monde trop propre et policé. L’ironie cinglante d’Horvath dérangeait, le rythme trop régulier des fondus au noir et des silences ne réveille pas assez notre souffrance et l’horreur de ce monde en perdition qui ensevelit le plus nihiliste des séducteurs. Hélène Kuttner [Photos © Pierre Grosbois] |
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