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“Un Démocrate” peu démocratique au Théâtre de la Reine Blanche

© Philippe Rocher

Il s’appelle Edward Bernays. Il est le neveu de Freud et il a mis au point des techniques de manipulation des masses qui lui ont valu argent et célébrité aux États-Unis. Écrit et mis en scène par Julie Timmerman, le spectacle sur ce démocrate machiavélique est à la fois ludique et instructif.

Pour analyser cette méthode perverse, Julie Timmerman et la scénographe Charlotte Villermet mélangent habilement les genres théâtraux. Elles font alterner la farce et le sérieux, le charme et le terrifiant, permettant ainsi au public de se divertir tout en apprenant jusque dans les moindres détails comment fonctionne la manipulation politique sournoisement à l’œuvre dans les régimes aux allures les plus démocratiques, et ce, d’hier à aujourd’hui. Les comédiens échangent prestement le rôle d’Edward surnommé Eddy, les séquences s’enchaînent à un rythme vif et attractif et les propos sont étayés par de multiples mises en situation. Le spectacle, avec de simples changements d’accessoires, fait circuler une vingtaine de personnages alors que quatre comédiens occupent en permanence le plateau.

© Philippe Rocher

Malin et affable, Eddy a très vite su séduire ses interlocuteurs et son public grandissant. Fin connaisseur des ressorts psychologiques humains, il a en partie utilisé la science de son oncle Freud au service de son enrichissement personnel sans aucun scrupule. Quand il faut convaincre les masses d’acheter des cigarettes parce qu’un industriel est prêt à le payer grassement, il y parvient avec les arguments les plus fallacieux mais avancés avec une telle assurance que chacun y croit. Quand il faut faire monter la consommation des savonnettes ou faire adhérer une population à un coup d’État, pour lui c’est pareil. Personnage sachant se servir des faiblesses et des peurs des individus tout autant que des foules, il est le roi de la publicité et de la propagande pour un produit ou une idée, sans nuances ni réflexion quant aux conséquences.

Il n’est donc pas étonnant que des dictateurs se soient intéressés à ces pratiques et y aient eu recours, Goebbels en tête. La propre femme d’Eddy a été victime de ces séduisants mensonges et décéda d’un cancer des poumons dû à la cigarette. Mais ce soi-disant conseiller en relations publiques, terme qu’il inventa comme on brasse du vent, ne se remit jamais en question et mourut tranquillement à 104 ans, laissant aux politiciens du XXIe siècle une arme discrète fort bien huilée. La pièce nous permet d’en comprendre les mécanismes avec une belle équipe dynamique et on ne saurait trop conseiller aux adolescents d’aller voir ce spectacle pour en ressortir en citoyens mieux avisés.

Émilie Darlier-Bournat       

 

 

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