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“Un chapeau de paille d’Italie” : Vincent Dedienne et sa noce dans la folie d’un mariage bousculé

Hélène Kuttner 10 octobre 2023
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© Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, le metteur en scène Alain Françon nous régale avec ce vaudeville signé Labiche dont le groupe musical Feu! Chatterton ponctue allègrement chaque acte en chanson et en musique. Vincent Dedienne promène ainsi sa noce provinciale en recherchant un chapeau grignoté par sa jument au Bois de Vincennes. Dix neuf acteurs nous promènent ainsi au septième ciel en pleine folie de quiproquos burlesques : un véritable régal.

Un rentier qui épouse la fille d’un pépiniériste

© Jean-Louis Fernandez

On connaît l’histoire folle de Fadinard, ce jeune rentier étourdi et séducteur, qui se retrouve dans une infernale spirale rocambolesque le matin même de son mariage après que son cheval a grignoté le chapeau d’une dame qui se trouvait dans le Bois de Vincennes avec son amant ! Ces deux-là, la femme et l’amant, se retrouvent donc chez Fadinard pour récupérer une copie du fameux chapeau car le jaloux mari de la dame l’attend de pied ferme depuis ce matin. Cette comédie, l’un des chefs d’œuvre d’Eugène Labiche, file ses cinq actes tambour battant, avec une kyrielle de personnages hauts en couleur qui proviennent de tous les milieux sociaux. Le metteur en scène Alain Françon choisit de monter cette pièce folle entre lumière et noirceur, tendresse et férocité avec un dix neuf comédiens qui s’amusent comme des fous en donnant le meilleur d’eux-mêmes, dont Vincent Dedienne hallucinant de vivacité et de malice, souple comme un chat qui traverse le plateau plusieurs fois par minute. Il faut dire que la géniale Anne Benoît n’est pas en reste dans le rôle du père de la mariée, un provincial qui ne veut pas lâcher sa fille et la considère comme une pousse de myrte, celle qu’il tient empotée dans ses bras durant toute la pièce ! La comédienne, le cheveu court et le teint échauffé par les apéritifs, est tout simplement extraordinaire de vérité et d’humanité dans un rôle souvent interprété de manière caricaturale.

Un orchestre en live

© Jean-Louis Fernandez

D’emblée, les trois musiciens de Feu! Chaterton, installés dans les loges transversales, installent une ambiance synthétique et décalée, jazzy et rock, faisant chanter les comédiens lors des changement d’actes dans les scènes de groupe. Car cette noce, comme un serpent de mer, passe et repasse telle une anguille, cortège grouillant de vie et d’ardeur qui visite la capitale au pas de charge et avec des yeux d’enfant. Suzanne de Baecque, fiancée fortunée mais trop vite dégrisée, promène sa tangente et longiligne silhouette en se dandinant en raison d’une épingle oubliée au dos de sa robe malgré ses grands écarts successifs. Alexandre Ruby, physique de bellâtre et ironie cassante, passe d’un rôle à l’autre avec le même talent. Luc-Antoine Diquéro, en maire perché au milieu de ses vapeurs d’alcool, Marie Rémond, Eric Berger, Emmanuelle Bougerol, Rodolphe Congé, Laurence Côte, Noémie Develay-Ressiguier, Antoine Heuillet, Tommy Luminet, tous sont formidables dans leur interprétation personnelle et cocasse, passant des rues parisiennes au salon d’une baronne à la vitesse de l’éclair.

Clair obscur

© Jean-Louis Fernandez

Du coté du décor, l’appartement de Fadinard, bientôt occupé par le second couple à la recherche du chapeau, est baigné d’une lumière blanche virginale, qui se teinte progressivement d’une pluie brumeuse, atmosphère plus sombre, plus fantastique avec l’errance nocturne de la noce et la quête énigmatique du marié et du chapeau. Et malgré certaines longueurs, cette mise en scène vit au rythme des quiproquos, des contre-temps successifs de l’intrigue qui sans cesse est ralentie par un imprévu. Les costumes délicats, les lumières subtiles, soulignent le comique et le tragique de cette histoire où une jeune fille se trouve sacrifiée devant les yeux de son père pour s’unir avec un drôle d’hurluberlu, où un cortège nuptial se retrouve sous les barreaux d’un poste de police, finissant pas glisser en dansant sur le bitume sous des parapluies, alors que le chapeau, réapparu comme par miracle, reste suspendu à un réverbère. Labiche surréaliste ? Peut être, en tous cas sa plume s’amuse follement à mettre en boite le réel en se moquant de ses contemporains. Une réussite !

Hélène Kuttner 

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