Thomas Pouget : “L’amour des mots est né avec ma grand-mère”
Thomas Pouget est un jeune comédien, metteur en scène et auteur. Sa compagnie La Joie Errante tend à démocratiser la culture en Lozère. Il est à l’origine du spectacle Vacarme(s), ou comment l’Homme marche sur la Terre qui relate la vie quotidienne du monde agricole.
Peux-tu nous raconter ton parcours ?
J’ai commencé dans une option théâtre au lycée Saint-Joseph à Marvejols en Lozère (précision importante car j’y enseigne actuellement). Je pense que l’amour des mots est né avec ma grand-mère, parce que nous apprenions des poésies ensemble. Puis, petit à petit, j’ai commencé à aimer la lecture à voix haute et, à cette occasion, le fait de prendre la parole.
Au lycée, ma sœur était dans une option théâtre, et je me suis dit que ça pouvait me faire du bien d’essayer. Très vite, une famille s’est consolidée au fur et à mesure des cours avec les autres élèves. Cet esprit de troupe ne m’était jamais apparu aussi limpide auparavant. Nous avions la possibilité de créer une histoire ensemble, de nous fédérer. À cette époque, je voulais être professeur de mathématiques, mais lors d’une réunion parents/ professeurs, la professeur de mathématiques de l’époque m’a dit que je n’avais pas les capacités, que ce n’était vraiment pas fait pour moi.
Parallèlement, en option théâtre, on m’a laissé entendre que je n’étais pas mauvais, que je
pouvais sûrement en faire mon métier si je le souhaitais. Mes parents n’étaient pas partisans ; étant du milieu agricole, il me semble qu’il y avait de la peur, de l’appréhension, l’idée que peut-être ce métier n’en était pas un. J’ai donc passé un contrat oral avec eux : je fais des études supérieures, une fois que je les finis, je peux faire ce que je veux : du théâtre.
J’arrive au Puy-en-Velay pour faire un BTS Communication et coup de chance, je tombe sur Carole Baud (professeur de théâtre) et je finis par suivre le cursus théâtre au Conservatoire du Puy, une de mes plus belles expériences de plateau.
Deux ans plus tard, je suis pris à Besançon où je passe mon cycle 3 et je prépare en parallèle la licence 1 art du spectacle. Pendant un an j’apprends notamment le théâtre musical. Le professeur de l’époque, Jean-Marc Quillet, aimait particulièrement Boby Lapointe et nous avions réalisé un cabaret autour de ses chansons.
En 2013, je pars au Conservatoire d’Avignon en cycle professionnel.
En 2014, Olivier Py (dont c’était sa première année de directeur de festival) monte un stage dans lequel je suis pris. C’est une révélation pour moi, j’y reconnais l’exigence et l’amour du théâtre que je recherchais depuis un petit moment.
Le lendemain de la restitution, je lui ai envoyé un message en lui disant que si un jour il avait besoin d’un comédien ou d’un assistant mise en scène, ce serait un grand plaisir de retravailler ensemble. Il m’a répondu trente secondes après en me proposant le poste d’assistant mise en scène pour son prochain spectacle, Orlando ou l’Impatience qui se jouait au Festival In la même année.
Par la suite, Paul Rondin, le directeur délégué du festival m’a rappelé pour réaliser des actions culturelles. Je devais faire 80 heures de formation dans quatre écoles en octobre/novembre/décembre.
Entre temps, Olivier Py me rappelle et me propose d’être assistant mise en scène et acteur dans la cour d’Honneur à Avignon, avec Le Roi Lear, tournée nationale par la suite et belle rencontre avec le public. Parallèlement, j’enregistrais déjà des fictions radio pour France Inter et France Culture puis j’ai passé mon Diplôme d’État Théâtre quelques années plus tard.
Comment et pourquoi as-tu monté ta compagnie La Joie Errante ?
Le métier de comédien est soumis à du désir en permanence, soit d’un metteur en scène, soit d’une équipe. Ça ne me convenait pas vraiment d’attendre que mon téléphone sonne ou de faire des démarches qui n’aboutiraient pas.
En 2015, je crée donc La Joie Errante et monte Épître aux jeunes acteurs d’Olivier Py. Nous répétons au CENTQUATRE-PARIS. On part en France, en Corse, au Festival d’Avignon en 2016.
Pour la petite histoire, un soir, il n’y a que deux réservations, mais on décide de jouer quand même. Quelques mois plus tard, j’apprends que ces deux personnes présentes à ce moment-là sont programmatrices et nous programment l’année suivante au festival de théâtre à Clermont-Ferrand.
En 2016, en Lozère, je commence à faire des lectures dans le village où j’ai grandi, dans la maison de retraite, dans la salle polyvalente. La culture doit être accessible à tous, et ne doit pas être perçue comme élitiste.
Vacarme(s) est ton dernier gros projet avec ta compagnie ? Comment est-il né ? Comment se développe t-il à travers le temps ?
En 2017, le directeur du ciné/théâtre de Saint-Chély-d’Apcher, Samuel Le Cabec, vient nous voir à Clermont-Ferrand sur la date d’Épître aux jeunes acteurs. Il a beaucoup aimé et nous a proposé aussitôt un compagnonnage de trois ans entre son lieu et la compagnie.
Le maire de Saint-Chély a lui aussi souhaité créer un compagnonnage et a validé plusieurs
actions : 50 heures d’intervention dans deux écoles du nord Lozérien, 18 lectures sur le territoire de la communauté de communes, une aide à la création, un stage avec des amateurs. Samuel, de son côté, me commande un spectacle sur la Lozère et je propose de l’axer d’avantage sur le monde agricole.
Sylvain Lecomte, Valentin Clerc et moi menons alors différentes rencontres avec des agriculteurs, des banquiers, des élus, des vétérinaires… afin d’avoir une idée la plus précise possible du milieu agricole.
François Pérache, auteur et comédien, est alors chargé de réunir tous ces témoignages et écrit la pièce : Vacarme(s), ou Comment l’Homme marche sur la Terre (pièce lauréat ARTCENA, et finaliste du Prix du Café Beaubourg). Nous recevons un très bon accueil public et pros, la jauge explose en Lozère (140% de taux de fréquentation).
Nous devions encore tourner, mais la crise sanitaire a tout mis à l’arrêt.
Quelle a été ta vie pendant la crise sanitaire ? Quel fût l’impact sur tes créations ?
Nous avons réussi à monter un festival intitulé “Champs libres”, j’ai fait plusieurs lectures sur les réseaux sociaux, nous avons participé à la réalisation d’un tutoriel pour des masques Lozériens, nous avons créé une chaine de télévision intitulée “Locaux Locaux Locaux”, j’ai écris la prochaine pièce qui verra le jour en mai prochain : Passage(s), Tentative 1 : Naître
Champs Libres, c’était l’envie de fédérer les compagnies locales et nationales pour continuer de créer et inventer des histoires ensemble. Nous avons rejoué Vacarme(s) lors de ce festival et cela nous a notamment permis de jouer en mai prochain au CDN d’Angers.
Nous avons réussi à maintenir certains rendez-vous qui nous tiennent à cœur et nous avons pu construire une possible saison pour l’année qui arrive. À voir comment elle va se dessiner à présent.
Cela fait deux ans que je travaille activement sur mon seul-en-scène, Passage(s).
C’est l’histoire d’un enfant de 10 ans, qui s’appelle Lucas, que l’on va suivre durant son année de CM2. Il est entouré de ses parents, grands parents, copains, copines, maitresses… C’est l’occasion de questionner notre possibilité de rêver, de s’émanciper grâce aux autres, de trouver sa liberté.
Cette histoire est parti de la question suivante : “Quels sont les évènements qui nous construisent chacun ?”
Je serai accompagné de Carole Baud, mon ancienne professeure de théâtre du Puy, François Pérache et Laurie Guin.
Il s’agira d’une autofiction, mais de la même manière que pour Vacarme(s), je suis de nouveau parti interroger des élèves, des professeurs, des enfants, des collégiens, des lycéens, des grands parents… C’est une des identités de la Compagnie, interroger, rencontrer le public pour mieux construire ses projets.
Locaux Locaux Locaux
Qu’y a-t-il dans ton cabas ? (Inspirations, œuvres qui t’ont marqué dans ta vie ou récemment)
– Le Mariage de Figaro (première pièce qui m’a marqué)
– La trilogie de Wajdi Mouawad (Littoral, Incendies, Forêts)
– Peter Brook, Grotowski, Brecht
– Les albums La Femme idéale et Paradis de Ben Mazué
– Petit Pays de Gael Faye et certaines chansons de Grand Corps Malade
– Des livres d’heroic fantasy que je lisais petit : Eragon de Christopher Paolini, les livres de Pierre Bottero, de Tolkien, 1984 et La Ferme des animaux de George Orwell, Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire de Lemony Snicket.
– Indiscutablement, les personnes qui me sont chères.
Suivez l’actualité de Thomas Pouget et de la Compagnie La Joie Errante sur le site Internet.
Propos recueillis par Maud Gibert
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