Olivier Py à Avignon : « Je veux toujours éprouver mes idées par l’action »
Orlando ou l’impatience De Olivier Py Mise en scène de Olivier Py Avec Jean-Damien Barbin, Laure Calamy, Eddie Chignara, Matthieu Dessertine, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer, Stéphane Leach et François Michonneau Du 5 au 16 juillet 2014 De 30 € à 16e la place Durée : 3h La Fabrica |
« Orlando ou l’impatience » est la nouvelle création d’Olivier Py qu’il présente avec ses comédiens fidèles à la Fabrica jusqu’au 16 juillet, alors qu’il met aussi en scène « Vitrioli » de l’écrivain grec Yannis Mavritsakis jusqu’au 19 juillet au Gymnase Paul Giéra avec des comédiens issus du Théâtre National de Grèce. Si le jeune héros d’Olivier Py, Orlando, exprime de l’impatience à se forger une destinée, il faut beaucoup de patience au tout nouveau directeur du Festival d’Avignon pour assurer avec maîtrise la gestion d’une situation de crise. C’est un vent de tempête qui souffle sur la 67ème édition du Festival d’Avignon cet été. Tempête du ciel, tout d’abord, qui a fait souffler sur les premières représentations des spectacles en plein air un méchant vent froid et de la pluie. Tempête des intermittents en colère, aujourd’hui, qui menacent déjà certaines représentations en votant par deux fois déjà leur annulation. Bravant courageusement les diverses tempêtes, le nouveau directeur Olivier Py tente de maintenir le cap de ce gigantesque paquebot. Pour lui, et il l’a répété face aux journalistes le 12 juillet, « ne pas jouer n’est pas la bonne solution ». Certes, il soutient le combat des intermittents et défend le droit de grève comme la démocratie, lui qui veut faire du Festival d’Avignon « un festival poétique et politique ou tout redevient possible, ouvert sur le monde ». Les annulations du 4 et du 12 juillet ont déjà engendré une perte de 138.500 euros. En préambule de sa nouvelle création « Orlando ou l’impatience », Py a choisi de faire entendre le magnifique discours à l’Assemblée de Victor Hugo en 1848 « Du péril de l’ignorance » où l’écrivain proclame des phrases vibrantes sur l’importance des dépenses en faveur de la culture en y dénonçant les coupes budgétaires. Ensuite, ce sont près de quatre heures de spectacle total qui brassent, comme souvent chez Py, des préoccupations artistiques, politiques, spirituelles et métaphysiques portées par un jeune homme (Matthieu Dessertine) à la recherche de son père. C’est une comédie formidablement acide et drôle, souvent émouvante, où on passe de l’antre du poète maudit (Philippe Girard) au bureau du Ministre (Eddie Chignara), en traversant la carrière d’une vieille actrice (Mireille Herbstmeyer) qui se prend pour Sarah Bernhardt tandis que Jean-Damien Barbin ponctue le spectacle façon Monsieur Loyal par des adresses au public en vantant les miracles du Magnésium, de l’ostéopathie ou de l’apnée respiratoire. Un maelstrom verbal, un peu long bien sûr, plein d’autodérision et joué par de grands comédiens, en forme de révélateur de la personnalité de l’artiste. Dans « Orlando ou l’impatience »vous semblez vous exprimer à travers tous les personnages, le père, le fils, le Ministre de la Culture, la jeune ingénue, la veille actrice… Oui, on me l’a souvent dit. Ouvrir mon premier festival avec ce spectacle était l’occasion pour moi de redire ce que je crois être le théâtre, par une œuvre systémique dans laquelle il y a un système de pensée. Il y est question de politique, d’art, de désir, de deuil, de théâtre et quelquefois de Dieu. La pièce questionne tous ces thèmes et montre comment ils sont mêlés les uns aux autres pour constituer ma propre vision du monde. On passe en plus par des scènes de style différent, ce qui ajoute à la confusion : est-on dans une farce, une scène lyrique, un discours politique, une tirade métaphysique ? J’aime l’idée que les acteurs ne jouent pas dans le même théâtre les uns et les autres. En même temps vous portez un regard sans concession sur le monde politique et celui du pouvoir. Vous voilà à la tête du Festival d’Avignon après voir été directeur de l’Odéon. Des postes éminemment politiques ? C’est vraiment une pièce sur le pouvoir. D’une part sur mes rapports en tant qu’artiste avec le pouvoir qui n’ont jamais été très simples. D’autre part sur mon propre rapport au pouvoir à travers les fonctions que j’ai occupées. On m’a dit que c’était une pièce assez autobiographique, assez intime. Qu’est-ce que le pouvoir ? Un danger bien évidemment, le pouvoir rend fou. Mais vous ne l’êtes pas en ce moment ? Non bien sûr, mais en ce moment je suis fatigué. L’essentiel est de rester dans la vie. Et je suis dans la vie. C’est aussi une pièce sur l’amour, sur l’amour à trois, ce qui n’est pas banal. Que diriez-vous à une jeune qui souhaite écrire, comme vous à vingt ans, et devenir acteur ? Vas y, n’attends rien pour te lancer. Il ne faut rien pour faire du théâtre, un poète, un texte et un ami. Cela suffit. Pas besoin d’un père, la pièce le raconte. On peut s’en trouver par la suite. J’aime beaucoup le mot « acteur » et le mot « acte ». Je crois en l’action, je crois que c’est une forme de pensée. C’est Ariane Mnouchkine qui m’a appris cela. Elle agit. C’est aussi mon cas, et en cela je suis différent des intellectuels ou des universitaires. Je veux toujours éprouver mes idées par l’action. Vivre des aventures. Quitte à prendre des coups, à prendre des risques. Comme en amour ? Le théâtre, c’est de l’amour. C’est l’absence de Dieu qui créée ce besoin de théâtre ? Dans la passion pour le théâtre, il y a une volonté de vivre une aventure spirituelle et il y aussi un manque, que j’ai peut-être joliment appelé « impatience » mais qui peut-être plus dur. Quand on comprend que jamais rien ne comblera ce manque, on commence à trouver que l’approche des théâtres ressemble à l’approche des mers ou des forêts. Au bout du compte, c’est le théâtre qui donne du sens à la vie. Je suis d’ailleurs émerveillé par la ferveur du public qui nous vient nous voir. Dans votre éditorial, la question du public est primordiale pour vous. Elle l’a toujours été. D’ailleurs, dans mon histoire, j’ai toujours été sauvé par le public. Il ne faut pas s’imaginer que « La Servante », mon premier spectacle à Avignon, ait reçu un bon accueil de la part des professionnels ou de la critique. « Le Visage d’Orphée » a reçu un accueil critique déplorable, mais il y avait 1000 personnes debout à la fin ! J’ai toujours été sauvé par le public. Et dans les jours difficiles que nous vivons actuellement à Avignon, aller écouter les saluts des acteurs est la chose qui me donne le plus de force. Le théâtre, c’est très simple : plus on donne, plus on reçoit. Il ne faut jamais l’oublier. C’est comme en amour. Il faut donner, et le public ne s’y trompe jamais. Ce qui fait le théâtre populaire, c’est le don des artistes sur scène, pas les concepts des metteurs en scène. Hélène Kuttner A découvrir sur Artistik Rezo : [© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon] |
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