Nouveau Roman – Théâtre de La Colline

Christophe Honoré auteur et metteur en scène est à la fois audacieux et passionné par la littérature et ceux qui la font. Il fallait oser faire vivre sur scène Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, Claude Mauriac, Claude Simon, Robert Pinget, Claude Ollier, Michel Butor…, sous l’œil aiguisé et avisé de l’éditeur Jérôme Lindon.

Le roman est-il un art comme un autre, apte à fournir des sensations à travers une forme non préexistante ? Les personnages et l’intrigue sont-ils encore justifiés dans le roman du XXème siècle ?

Ces questions ne sont pas forcément celles qui préoccupent le large public mais Christophe Honoré, en les rendant vivantes théâtralement permet à chacun, qu’il soit directement impliqué ou lecteur plus ou moins assidu, de se sentir concerné. La littérature et ces auteurs qui ont franchi la notoriété publique, captivent ici diversement les spectateurs, soit que l’on ait l’impression de participer à la discussion en cours, soit que l’on jubile à voir débarquer Françoise Sagan, coquine et pétillante, provocante, fragile et péremptoire.

Le metteur en scène sollicite notre appétit de conversation tout en nous régalant à travers la compagnie de célébrités qui ont marqué des générations et demeureront décisives dans l’histoire littéraire. Il a réuni des comédiens qui sont emplis d’une fine et profonde compréhension leur permettant d’endosser ces statures et, dirigés avec une légèreté de plume, ils parviennent à être justes en rendant sensibles, touchants, simples, terre-à-terre, émouvants et drôles, ces figures hors normes. Tant et si bien que l’on saisit aisément leurs méandres intellectuels –car ils nous rendent intelligents- et on touche leur humanité, leur mégalomanie et leurs failles, palpables et si dérisoirement superbes, on rit de leurs caprices enfantins qui pourtant enjambent de vertigineux égos et d’excentriques jalousies.

Moderne et sexy

On retrouve la patte de Christophe Honoré cinéaste. Il accumule des scènes où les images s’enchaînent en rythme pop, il choisit une distribution qui balaie les photos en noir et blanc, il rajeunit les figures légendaires et Marie Darrieussecq ou Charles Dantzig, entre autres, interviennent à la télévision.

Duras en jean rose y est chantante et menue, Butor est incarnée par Brigitte Catillon et Jérôme Lindon fait surgir des réminiscences de Simone Signoret. L’ingénue rusée Catherine Robbe-Grillet (ici Mélodie Richard) désacralise avec amour son grand écrivain de mari, meneur de groupe insupportable et follement attachant. Tous prennent tour à tour le micro dans un décor entre tribunal et salle de presse, affirmant la nécessité de former un groupe qui se chamaille autant qu’il se renforce par l’entraide, se malmène et se protège. Ils boivent, ils fument, et quand Claude Simon reçoit son prix Nobel, il chante. Il en est un qui n’apparaît jamais, dont l’ombre noble et féline plane admirablement, c’est Samuel Beckett, celui dont chacun sait qu’il est à la fois parmi eux, avec eux et en contre-champ omniprésent.

Et dans cet effervescent questionnement artistique autant que questionnement de la place des artistes dans une société, questionnement de l’engagement et de l’impact de la littérature au sein d’un ordre politique, moral et social, une scène de fiction se détache, magnifique, celle qui est extraite de La route des Flandres de Claude Simon, donnant aux auteurs toute leur dimension humaine dans l’inexorable tourmente du réel de l’histoire.

Isabelle Bournat

Nouveau Roman 

De Christophe Honoré

Avec Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz et Benjamin Wangermee

Du 15 novembre au 9 décembre 2012
Du mercredi au samedi à 20h30
Le mardi à 19h30 
Le dimanche à 15h30

Réservation en ligne

Durée : 2h50 (sans entracte)

Théâtre national de la Colline
15, rue Malte-Brun
75020 Paris

www.colline.fr 

A découvrir sur Artistik Rezo : 
– La critique de la pièce par Marie Torres
– Les pièces à voir à Paris en novembre 2012

[Photo : © Jean-Louis Fernandez]