Don Juan – Théâtre de l’Œuvre
Don Juan, séducteur invétéré, court de femmes en femmes et d’ennuis en ennuis, accompagné de son fidèle valet Sganarelle, que cette vie dissolue déplaît au plus haut point. Se moquant des conséquences terrestres et célestes de ses actes, Don Juan poursuit sa route, rêvant, tel l’Alexandre Le Grand de l’amour et du plaisir, de conquérir le vaste territoire imprenable que constituent les femmes : il promet là un mariage, là une noce, sans se soucier de ce qui pourrait lui arriver, invincible et inconscient à la fois. Pourtant, le Commandeur, l’homme qu’il a tué par le passé, viendra lui rappeler que l’on ne peut impunément se moquer des cieux, laissant un Sganarelle entièrement démuni.
Jean-Michel Vier met là en scène une pièce où Bertold Brecht ne se contente pas de reprendre l’intrigue et le texte principal de Molière. En effet, le dramaturge allemand les revisite véritablement, leur donnant des couleurs et une tonalité différente. Loin de dénaturer l’œuvre de Molière et de créer une pâle copie de la pièce originelle, Brecht offre une pièce flamboyante qui met en exergue le ressort comique de tous les personnages. Héros romantique dans la pièce originelle, Don Juan devient un infect personnage, un « parasite », un « monstre rutilant » comme le décrit lui-même Brecht. Mais un personnage détestable qui fait rire par ses affects et ses manières.
Soutenue par une excellente mise en scène, la pièce est un enchaînement de bonnes idées scénographiques qui allient originalité, humour et fidélité à la pièce originale. Elle est à l’image des comédiens qui portent le texte et le font vivre sans ombrage, dévoilant un jeu comique des plus appréciables. Loin de s’éclipser l’un l’autre, les deux comédiens principaux se nourrissent respectivement. Pierre Val campe un Don Juan détestable et délectable à la fois, dont on ne se lasse pas : aussitôt qu’une once de pitié s’insinue dans le cœur du spectateur, une nouvelle diatribe ou réflexion lui rappelle que non, décidément, il ne mérite que ce qui va lui arriver. A l’inverse, l’interrogation demeure sur Sganarelle, magistralement interprété par Sylvain Katan, qui parvient à montrer l’ambivalence d’un personnage qui ne peut se résoudre à ne pas aider son maître, mais qui honnit son attitude au point de finalement ne regretter sa disparition que pour la non-distribution de ses gages.
Le Théâtre de l’Oeuvre propose une nouvelle fois une mise en scène originale à l’interprétation riche et juste. La joyeuse cruauté qui s’en dégage en fait l’une des pièces à voir absolument en ce début d’année.
Solène Zores
Don Juan
Mise en scène de Jean-Michel Vier
Avec Valérie Alane, Sylvain Katan, Charlotte Rondelez, Guy Segalen, Pierre Val et Cédric Villenave
A partir du mardi 25 janvier 2011
Du mardi au samedi à 21h
Le samedi à 18h30
Le dimanche à 15h30
Réservations : 01.44.53.88.88
Tarifs : 36€, 30€ et 21€
Moins de 26 ans : les mardis, mercredis et jeudis 10€
Le Mardi à l’oeuvre : tarif unique 21€
Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
M° Place de Clichy
[Visuels : © B. Chartrain. © Jennifer Lefort]
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