The way she dies : pour l’amour d’Anna Karénine
Au croisement des langues et des cultures, le collectif TgSTan et le metteur en scène Tiago Rodrigues donnent naissance à un spectacle poétique et irradiant, qui célèbre la passion en même temps que la littérature. Un moment théâtral de pure grâce, de liberté et d’une grande créativité au Théâtre de la Bastille dans le cadre du Festival d’Automne.
A la recherche d’Anna Karénine
C’est le prétexte du spectacle, 490 grammes de papier imprimé de 1021 pages, annotées par la mère du narrateur, et dont Frank Vercruyssen qui incarne le narrateur doit percer le mystère. Comprendre l’héritage de sa mère. Face à lui, son épouse, Jolente De Keersmaeker, en longue jupe rouge flamenco et body noir, la laisse s’écraser sur le sol, comme un aveu de désamour. Le couple se désagrège, et nous entrons peu à peu dans les mots de Tolstoi par la lecture des acteurs. Le désamour d’Anna pour son mari, son attirance magnétique pour son amant, ne sont jamais mimés par les acteurs. Tout se déroule comme si la vie prenait ses marques naturellement, un couple qui ne fait que cohabiter aujourd’hui, dans une certaine indifférence, beaucoup d’ironie et d’humour sombre, alors que les phrases de Tolstoi gambadent dans la neige russe, épiant, comme le faisait Flaubert pour Emma Bovary – que Rodrigues a monté- Tolstoi entrait dans la peau, dans le coeur d’Anna.
Trahisons conjugales
De l’autre coté de l’Europe, à Lisbonne, dans les années 70, un autre couple s’égratigne. Isabel Abreu flirte avec un inconnu dans une gare, alors que son conjoint Pedro Gil retrouve, au 19° siècle, Anna Karénine enveloppée dans une fourrure. Du néerlandais, on passe au portugais, traduit en français pour les spectateurs parisiens. Trahisons des langues, trahisons des coeurs, et sur le plateau les acteurs magnifiques incarnent des hommes et des femmes qui réitèrent les mêmes gestes, les mêmes situations depuis des siècles. L’ennui conjugal, l’indifférence, l’impossibilité de communiquer, puis le désir qui s’allume, déclenche la passion envahissante, qui répare l’ennui. Avec cet élan vers le nouveau, vers l’inconnu, on traverse la Russie, quand le théâtre rencontre ici la littérature, les mots et les virgules, les images, par la grâce des comédiens habités. La langue réveille les fantômes des personnages, et on se surprend à rêver, le spectacle ressemble à un film de Bergman, puis de Rivette, ou Godard, puis tout à coup nous fait voyager dans un grand mélodrame romantique. La rencontre entre les Tg Stan et Tiago Rodrigues est sacrément productive.
Hélène Kuttner
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