Thé à la menthe ou t’es citron ? – 3T de Toulouse
Démarrage avec vingt bonnes de minutes de retard, temps nécessaire aux barmaids de coller entre les pognes des spectateurs une coupe de mousseux au prix de la bouteille et autres agapes du même tonneau (des Danaïdes bien sûr). C’est la sortie théâtrale de la semaine, voire du mois ou de l’année, soyons fous, on ne va pas jouer les Harpagon. Rien de tel qu’un début d’éthylisme pour mieux pourvoir renifler n’importe quel étron et s’en extasier. Différencier une vraie pièce de théâtre de sa version du pauvre n’est pas donné à tous. Plus simple de repaître le populo anesthésié au prix fort de rire gras où l’intelligence a déserté les planches avec glissade et pif dans le mur.
Thé à la menthe ou t’es citron ? La pièce lors de sa récente nouvelle mise en scène parisienne avait cartonné et reçu un Molière. De bons comédiens y déployaient un jeu d’une drôlerie un poil aristocratique où finesse, délicatesse et respect du texte ne se laissaient pas écrabouiller par ces bulldozers de la facilité qui, en l’absence de mise en scène digne de ce nom, charrient beuglements de chacals en rut et verres d’eau crachés à la gueule du partenaire. Des comédiens sachant faire dans la mesure. Car oui, le jeu peut se mesurer. Il suffit d’avoir le maître qu’il faut.
L’histoire ? La répétition d’une pièce de théâtre où tout va partir en vrille. Sujet en or, mise en abyme, effet de miroir : séduisante proposition. Le texte original réserve quelques réflexions savamment distillées pour dresser un état des lieux sur un des plus vieux métiers du monde, celui de s’adresser à un public. Reste ensuite à trouver ce juste dosage pour conserver un peu de (re)tenue, capter l’essence du propos et en extraire les nuances, procéder à cet art du réglage qui repousse l’artillerie lourde et ses grosses chenilles de la vulgarité consensuelle et lui préférer un zest d’élégance, un soupçon de légèreté et plus que tout, l’indispensable respect du texte. En clair : savoir mettre en scène.
Cette version toulousaine, avec sa vomitive franchouillardise et ses gags dans lesquels même les Charlots il y a 40 ans n’osaient déjà plus se fourvoyer, va faire faire à Feydeau des saltos dans sa tombe. Tout y est tellement tiré vers le bas, le texte s’y retrouve tellement appauvri par ce vouloir faire rire à tout prix qu’on se dit que si le boulevard, c’est ça, vive les chemins plus étroits, ces rues qui proposent si souvent du théâtre. Et parfois gratis. Car payer 25 euros pour supporter sur une chaise de bistrot de troisième zone ce spectacle aussi immonde que le décor qui l’abrite, cette insulte faite à l’artisanat théâtral, rabaissant dans son acception la plus détestable la notion même du boulevard n’incite à l’endroit du metteur en scène (non mentionné sur l’affiche !) qui, en guise de mise en abyme s’est surtout fait le fossoyeur d’un texte ici torpillé, qu’à une seule interrogation : « T’es à la masse ou t’es si c.. ? ».
Franck Bortelle
Thé à la menthe ou t’es citron ?
De Nanou Navarro et Patrick Haudecoeur
Avec en alternance Marc Compozieux et Marc Faget, Patrice Merle, Pascale Legrand, Marcel Grange, Richard Vergnes, Sara Perrin Saric et Emmanuelle Alvarez
Du 30 novembre au 29 décembre 2013
Du jeudi au samedi à 21 heures
Le dimanche à 16h30
Lundis 23 et 30 décembre à 21h
Du 7 au 29 janvier 2014
Le mardi et le mercredi à 21h
Le dimanche à 16h30
Durée : 2h (avec entracte)
3T Café-Théâtre Toulouse
40, rue Gabriel Péri
31000 Toulouse
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