Stefan Zweig magnifié par Jérôme Kircher aux Mathurins
Le Monde d’hier De Stefan Zweig, adaptation de Laurent Seksik Mise en scène de Patrick Pineau Avec Jérôme Kircher Du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h Tarifs : de 16 à 32 € Réservation en ligne Durée : 1h05 Théâtre des Mathurins M° Havre-Caumartin ou Saint-Lazare |
Le Monde d’hier est un livre essentiel. Il retrace les cinquante années au cours desquelles l’Europe a basculé dans la plus effroyable tragédie, celle du nazisme. Zweig, écrivain autrichien né en 1882, y décrit son amour pour Vienne, capitale du cosmopolitisme et de la culture, lui qui fut l’un des écrivains les plus lus et dont les livres furent brûlés. Laurent Seksik fait de ce livre une fulgurante adaptation interprétée par Jérôme Kircher qui résonne étrangement aujourd’hui. “Je suis un homme qui marche derrière son propre cadavre.” C’est une œuvre phare, un livre de chevet pour de nombreuses personnes. Le Monde d’hier de Stefan Zweig est un véritable cri d’amour à une Europe rayonnante et humaniste, pétrie de contrastes et de cultures, de théâtre et de musique, portée par des foules modestes et des grands écrivains. Aux côtés de son aîné Sigmund Freud, mais aussi de Schnitzler, d’Hoffmannsthal ou de Rilke, Zweig vivait heureux dans une Vienne du début du XXe siècle dont la diversité de populations, la soif de vie, de connaissances, d’arts et de plaisirs, mais aussi la souffrance des jeunes soldats tués lors de la Première Guerre mondiale lui inspirèrent les pages de ses plus beaux livres, Amok, Lettre d’une inconnue ou Le Joueur d’échecs. Admiré, grand connaisseur de la psychologie et de l’histoire, il fut aussi un observateur sensible et totalement visionnaire face à la montée des nationalismes en Europe. Dans sa dernière œuvre avant de se suicider avec sa femme à Pétropolis au Brésil en 1942, il livre avec une économie de mots et une acuité terriblement actuelle ce qu’il ressent des mécanismes politiques et psychologiques qui menèrent Adolf Hitler, cet agitateur sans envergure et sans formation, au pouvoir. “Libre de toute partie” C’est avant tout un homme libre qu’incarne sur le plateau nu, avec comme seul accessoire une chaise en bois, le comédien Jérôme Kircher, dirigé par Patrick Pineau. Longue silhouette sombre en manteau gris, le comédien nous transmet cette mémoire vivante avec une sincérité bouleversante, non dénuée d’humour, mais avec une vivacité adolescente et fraîche. Sobre, d’une sérénité émouvante, sans aucun pathos ni surcharge folklorique – ce qui eût été facile pour un tel sujet –, Kircher est Zweig avec finesse et bonhomie, qui raconte ses parents, ses voyages, ses rencontres avec Freud ou Rodin, sa découverte éblouie de Paris, sa haine des nationalismes et de la guerre. Le comédien est l’homme de ce début de siècle, heureux, ébloui, amoureux de la vie mais effrayé par les extrémismes et la barbarie qui grignotèrent la vieille Europe. La manière douce et si spontanée dont il distille le texte dans cette intelligente adaptation de Laurent Seksik, en en savourant la délicieuse substance, sans en omettre l’amertume et l’ironie visionnaire, est tout à fait remarquable. Au lendemain des attentats tragiques qui ont ensanglanté le monde libre, ce spectacle est nécessaire et lumineux. Hélène Kuttner [Photos © Pascal Victor / ArtcomArt] |
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