Une guerre des sexes qui manque un peu de sang au Théâtre de la Ville
Les Liaisons dangereuses De Pierre Choderlos de Laclos Adaptation et mise en scène de Christine Letailleur Avec Dominique Blanc, Vincent Pérez, Fanny Blondeau, Stéphanie Cosserat, Julie Duchaussoy, Jusqu’au 18 mars 2016 Tarifs : de 10 à 30 € Durée : 2h45 Théâtre de la Ville M° Châtelet |
Jusqu’au 18 mars 2016 à Paris, puis à Nice et Quimper
Sous la direction de Christine Letailleur, Dominique Blanc et Vincent Pérez mènent une lutte à mort pour assouvir leur désir et leur pouvoir dans l’adaptation des Liaisons dangereuses, chef-d’œuvre épistolaire que signe Pierre Choderlos de Laclos en 1782. Un spectacle qu’on aurait souhaité plus cruel et moins illustratif. Une ode au libertinage et à la lutte entre les sexes Adapter cette œuvre brûlante et écrite dans une langue ciselée par le style du XVIIIe siècle, précise et précieuse, cruelle et terriblement cynique, qui décrit les situations et les rapports conjugaux comme des stratégies d’approche guerrières, des ruses de combat, fut l’une des réussites flamboyantes du cinéaste Stephen Frears en 1988. Le film anglo-américain rendit célèbres la comédienne Glenn Close dans le rôle de la Marquise de Merteuil, John Malkovich dans celui de Valmont et Michelle Pfeiffer dans Madame de Tourvel alors que Cécile de Volanges était jouée par Uma Thurman. Dominique Blanc, qui vient tout juste d’entrer à la Comédie-Française, enfile la robe écarlate de la Marquise de Merteuil, jeune femme veuve et déterminée à rendre justice aux femmes épousées trop rapidement et bafouées par les hommes. Habillée à la perfection par Thibault Welchlin, dans des éclairages subtils de Philippe Berthomé, la comédienne affirme et porte haut le verbe éclairé et revendicatif de son sexe tout en jouant de la dissimulation et du cynisme de sa classe sociale. De jeunes tourterelles face au grand méchant loup La scénographie d’Emmanuel Clolus au contraire fait table rase de toute fioriture en dessinant un vaste espace gris béton à double niveau, troué de fenêtres et ceint de portes closes, contrastant du coup avec les costumes de soie aux teintes chatoyantes. Entrées et sorties des personnages s’effectuent donc à mi-distance entre Marivaux et le théâtre de boulevard, avec des comédiens qui ont tendance à forcer le trait vers la veine comique alors que le texte de Laclos est davantage porteur d’une ironie cinglante. Vincent Pérez, qu’on a plaisir à retrouver sur une scène de théâtre, s’égare dans un jeu trop maniéré qui nous fait perdre, à la longue, la complexité et la solitude d’un personnage pris à son propre jeu de la cruauté. Volanges et Tourvel, victimes collatérales et consentantes Fanny Blondeau, la jeune blonde vierge qui incarne Cécile de Volanges, et Julie Duchaussoy, Madame de Tourvel, en seront pour leurs frais et à leurs corps défendant les victimes collatérales et consentantes des deux monstres que sont Merteuil et Valmont. Si l’adaptation suit la chronologie des lettres en en révélant les temps forts, les scènes principales, il est dommage d’avoir réduit les personnages à leur aspect pitoyable et comique. Certes le texte est par moments d’une drôlerie dévastatrice et terriblement actuelle. En grossir ainsi le trait réduit de fait la charge incisive que ce roman par lettres pouvait avoir, quelques années avant la Révolution française, dans une époque encore dominée par la morale chrétienne. D’autant que ces lettres passaient, aux yeux du public, pour vraies. Hélène Kuttner [Photos © Thierry Depagne et Brigitte Engérand] |
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