“Signes”, le merveilleux de la danse qui se mêle à la peinture
Créé il y a vingt-cinq ans, ce ballet signé par Carolyn Carlson est repris actuellement à l’Opéra Bastille. Il est né de la rencontre de la danseuse avec le peintre Olivier Debré, dont chacune des toiles est ici prétexte à une chorégraphie et à une géographie mentale. Le compositeur René Aubry a lui aussi inventé une partition au cœur de ces correspondances qui magnifient les danseurs de l’Opéra de Paris. Un spectacle à la poésie sensuelle qui réjouira tous les publics.
Au commencement était le sourire
« Il est la première communication, la première projection de l’enfant, de l’homme ; le départ de tout alphabet, de toute écriture. » explique le peintre Olivier Debré. Ses immenses toiles peintes, « Signe du sourire », « Moines de la Baltique », Monts de Guilin”, « L’esprit du bleu » …. se révèlent d’intenses invitations à la danse dans ce qu’elle a de plus expressif, de plus vivant, de plus charnel et de plus enfantin. Le premier tableau est comme un prologue à l’avènement de la vie, où des personnages vêtus de noir émergent, comme au ralenti sur une musique aux accords psychédéliques, guitare électronique et tempo planant. Pieds nus comme les premiers hommes dans une atmosphère brumeuse, ils font place au second tableau d’un orange éclatant comme un soleil couchant. Hannah O’Neill, superbe liane brune vêtue de jaune, déploie son long corps tel un oiseau exotique. Sa danse est d’une élégance superbe, heureuse et sereine comme une offrande.
Des couleurs et des formes complémentaires
Et voici l’homme, dansé par Florent Melac de manière somptueuse, haute stature entièrement vêtue de bleu. Graphique, stylisée, la gestuelle des danseurs emprunte à l’Asie ces ports de bras tournoyants, ces corps ployés mais ancrés du bassin aux talons dans la terre, en quête de symétrie. Ils évoquent aussi le cinéma muet, la pantomime quand les danseurs se mettent à s’animer frénétiquement comme des métronomes, réglés à la perfection, comme pour accélérer le temps. Tiens, nous voici déjà sur les sommets des montagnes de Guilin en Chine où la lumière bleue descend comme l’encre des estampes, en grosses gouttes de nuages. Sensation irréelle où trois grâces arrêtent le temps et l’espace. Le voyage devient magique comme un conte, ou les héros, le couple de danseurs, guide nos sensations vers des territoires fantastiques.
Les moines de la Baltique
Dans le grand Nord, une armée de jeunes moines aux robes noires striées de rouge tournoient et fendent l’espace, impulsant une tension impérieuse et vigoureuse. La musique enveloppe les corps et s’emballe, pour se calmer ensuite avec « L’esprit du bleu ». Certains passages sont clairement burlesques, cocasses, gestuelle et couleurs vives qui s’inspirent du dessin animé. Le spectacle alterne ainsi les sensations, légères ou graves, jusqu’au final de « La victoire des signes » qui laisse apparaître les dessins originaux de Carolyn Carlson, idéogrammes expressifs en miroir de sa danse énergique, fluide et rythmée. Comme si les corps en mouvement, à l’instar de la peinture, révélaient les mystères de la vie, le langage des sensations. Au-delà ou en deçà des mots, les signes vivent.
Hélène Kuttner
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