Sankai Juku : Un « Arc » aux Champs-Elysées
La nouvelle création mondiale de Sankai Juku butô a lieu au cœur de Paris. « Arc – Chemin du jour » confirme l’excessive beauté spirituelle des spectacles de la plus célèbre des compagnies japonaises qui poursuit sur sa lancée, grâce à la coopération du Théâtre de la Ville et du Théâtre des Champs Elysées.
Quand un chorégraphe annonce une création mondiale, on plonge souvent dans un état de curiosité et d’attente des surprises à venir. Avec Sankai Juku, la donne est drôlement différente. Le fondateur de cette référence mondiale, Ushio Amagatsu ne tient pas du tout à désarçonner son public. Au contraire, il a créé avec sa compagnie une valeur sûre, un vrai repère dans un monde de plus en plus chaotique, un havre de paix qui résiste aux fluctuations permanentes des marchés monétaires et artistiques.
Et pourtant, la création 2019 de Sankai Juku rompt avec certaines coutumes. Première mondiale au Théâtre des Champs Elysées oblige, « Arc – Chemin du jour » n’est pas annoncé avec un titre japonais. Du jamais vu. Et pour la première fois Ushio Amagatsu renonce à ouvrir et conclure un spectacle par ses célèbres solos. Il peut oser cela puisqu’il dispose d’une garde rapprochée, d’un cercle de butokas étoiles qui savent capter la rotation de la terre et les flux éternels des océans. Et il lance ici une nouvelle génération d’interprètes, à la conquête de la scène du public international et en quelque sorte, de l’espace, dans le sens de l’univers.
Ce qui reste immuable est l’articulation du spectacle en sept tableaux. Pour « Arc – Chemin du jour » ils s’intitulent « Il pleut sur mon étoile », « Laisse de mer », « Croisement / Ton passé est mon avenir », « Etendue sereine au-dessus d’un océan de lave », « Trois doubles v », « Croisement / Inverse », « Atteindre le crépuscule ». Si ces titres sont un brin plus compliqués qu’à l’habitude, on voit pourtant qu’ici rien ne détache de l’appellation de la compagnie fondée en 1975. Car Sankai Juku signifie, depuis toujours et pour l’éternité, « L’Atelier de la mer et de la montagne ».
Aussi chaque création revisite les liens de l’homme avec la nature et le cosmos, de naissance et de disparition, du cycle de la vie, de terreur et de beauté, d’éternité et de transcendance, transposant toujours les événements liés à la mort vers un rappel de la condition, non humaine mais de toute vie sur la terre. Il en est ainsi depuis le mythique « Graine de kumquat » qui date de1978 et est toujours au répertoire de la compagnie. Ce qui veut dire que le spectacle tourne depuis quarante ans, exactement comme l’indéboulonnable « May B » de Maguy Marin.
En amont, on ne sait donc pas encore grand-chose d’« Arc – Chemin du jour ». Sauf qu’on retrouve bien sûr les corps poudrés de blanc, les ambiances cérémoniales et parfois grandiloquentes, le jeu si prononcé des bras, des mains et des doigts, les ondulations, les références à la nature jusque dans les boucles d’oreilles, la force si expressive des yeux et des bouches. Et que la danse s’arrondit autour d’un puits noir – pour ne pas dire d’un trou noir – dans une ambiance étoilée qui est due au scénographe Natsuyuki Nakanishi, célèbre sculpteur japonais repéré comme pop artist. Personne ne pourra donc dire qu’Amagatsu ne cherche pas à emprunter des voies nouvelles. Au contraire, il faudra de plus en plus voir en lui le Merce Cunningham de la danse butô.
Thomas Hahn
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