Salomé d’Oscar Wilde
La scène est noire, complètement dépouillée. Flambent au ras du sol deux photophores. Coté jardin, une niche cachée par un voile. Cette cavité augure le mystère. On saura par la suite qu’il s’agit d’une citerne asséchée servant de prison. Sur le devant de la scène, côté cour, deux amants sont enlacés. Le plus vigoureux, le chef des gardes, Naraboth, lance la fameuse phrase : « Comme la princesse Salomé est belle ce soir ! ». On pense immédiatement à Maurice Béjart et au ballet du même nom. Et à Mallarmé avec ses nuits d’Idumée : ciel pur semé d’étoiles. Ce qui polarise ici les deux amants c’est la lune : « On dirait une femme qui sort du tombeau ». Le ton est donné.
Retenti alors un fracas : la voix de Iokanaan qui fulmine contre Hérode et la seconde femme, Hérodias, son ex-belle sœur. Iokanaan, c’est Jean-Baptiste, celui qui annonce le Christ. Hérode et sa tribu apparaîtront, à commencer par Salomé, Lolita directement sorti du roman de Naboukov. Donc une enfant fragile et capricieuse. En short argenté. Gwendoline Hénot est superbe de spontanéité dans son rôle, et elle sait bouger, notamment dans la fameuse danse – qui tire ici sur le vaudou. Cette danse en tous cas fait baver son beau-père quoiqu’ Hérode ne soit pas le personnage décadent qu’on imagine. Le timbre de bronze d’Alain Michel lui confère une profondeur aux accents presque chrétiens et c’est avec désespoir qu’il livre le Prophète à la furia de Salomé, soutenue par sa mère Hérodias, la sulfureuse Anne Coutaudier.
Xavier Fahy offre son torse décharné, ses accents d’outre-tombe et son regard – « des yeux de taupe sous des paupières tremblantes » – à un Iokanaan qui fait passer le frisson. Comme cette production, relue et repensée par Olivier Bruaux, dont la priorité est le texte : un texte sublime qu’il faut venir entendre.
Pierre Bréant
Salomé d’Oscar Wilde
D’Oscar Wilde
Avec Gwendoline Hénot, Alain Michel, Anne Coutaudier, Olivier Bruaux, Kévin Dagneaux, Xavier Fahy, Fabien Zojajighomi, Adrien Di Carlo, Ea Chhay, Amelie Prévot, Orlane Vignault, Fabien Houssaye.
Jusqu’au 11 juillet 2010
Du jeudi au samedi, 19h. Dimanche, 15h.
Réservation : 01 43 55 14 80 ou sur le site du théâtre.
La Folie Théâtre
6 rue de la Folie Méricourt
75011 Paris
Métro St Ambroise
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...