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Saïgon : nostalgie et déchirures de l’exil

Hélène Kuttner 11 décembre 2017
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© Jean Louis Fernandez

Comment parler de l’exil et des traumatismes de la décolonisation ? Comment évoquer ces déchirures, cette mémoire trouée de larmes et de rires, qui est le fruit du croisement d’histoires dans des pays qui se sont mariés un temps, pour divorcer ensuite ?

Dans le restaurant nommé Saïgon, comme 900 autres restaurants en France, Marie-Antoinette, la patronne, joviale et dynamique, mène son monde et sa cuisine avec une énergie communicative. Marie-Antoinette, c’est le nom français d’Anh Tran Nghia, une vietnamienne arrivée en France en 1954. La scène commence par un dîner d’anniversaire, celui organisé par Antoine pour sa mère Lyn, mariée à un soldat français, son père, parti défendre l’Indochine française contre le Viet Minh. Dans ce décor de restaurant de la Porte de Choisy, la scénographe Alice Duchange a reconstitué dans les moindres détails ce qui constitue le parfum exotique de ce genre d’endroit, vaste et accueillant comme une grande famille : les lumières rosées du karaoké, les nappes d’une blancheur éclatante, les fleurs et les bouddhas dans leurs niches, les chaises au métal argenté que l’on peut empiler à l’infini. Face aux spectateurs, à jardin, une vraie cuisine où l’on prépare de vrais rouleaux de printemps.

© Jean Louis Fernandez

Un lieu authentique, abritant des destins mystérieux et uniques et dont nous allons découvrir, au chapître suivant, une autre époque : Saïgon en 1954, lors du retour des Français en métropole, qui deviendra vingt ans plus tard, en 1975, Hô-Chi-Minh-Ville. Même décor, même lumière rosée (Jérémie Papin) et mêmes personnage à quarante ans de distance. Caroline Guiela Nguyen, elle-même fille de « Viet kieu », a écrit ces scènes avec les comédiens et les amateurs qui interprètent leurs personnages dans la pièce. Elle les dirige avec une extrême douceur, de manière naturaliste et cinématographique. Le temps du spectacle est un temps du réel, durant lequel les émotions, les non-dits, les quiproquo et les colères qui surgissent sont terriblement justes. Ce souci du détail, de la justesse d’un dialogue ou d’un costume (Benjamin Moreau) est soutenu par une création musicale très présente et des chansons de Christophe ou de Sylvie Vartan, jouant à fond sur la corde du mélo et de la nostalgie. « Paradoxalement, plus la mémoire que l’on a de l’autre est en péril, plus nous avons besoin de nous souvenir ». Dans ce spectacle, la quête des souvenirs est communicative et les larmes aussi.

Hélène Kuttner

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Hélène Kuttner

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