Sacco et Vanzetti – Dau et Catella – Théâtre du Petit Hébertot
Nous sommes à la prison de Charleston, près de Boston. Sacco, ramené de l’hôpital psychiatrique où il a passé deux ans, est seul dans sa cellule. Est-ce à cause de sa grève de la faim entamée depuis près d’un mois ? Toujours est-il qu’il croit être en présence de son camarade d’infortune, Vanzetti. A son ami de toujours, il confie sa peur de mourir (on entend à côté des crépitements électriques, derniers réglages de l’instrument de mort). Il aime, respecte et admire Vanzetti, plus lettré que lui qui ne sait ni lire ni même parler anglais et plus fort émotionnellement. Il compte sur lui pour passer ce cap angoissant. Effectivement, Vanzetti lui insufflera le courage de continuer à se battre debout, révolté, comme ils l’ont toujours fait. Car, avoir peur de mourir est contre révolutionnaire !
Au cours de cette dernière rencontre fictive, ils reviennent sur leur vie, leur enfance en Italie, leurs espoirs déçus après leur arrivée en Amérique, ce qui les a poussés vers l’anarchie (« heureusement, il y a la révolte ») comme leur amitié, leur combat, leur procès et l’énorme mobilisation internationale suscitée par leur condamnation. S’ensuivent alors des moments extrêmement émouvants, d’autres dramatiques, poétiques ou encore vraiment cocasses, le tout mené par deux magnifiques comédiens.
Déroulant une vaste palette de nuances, registres et de techniques de jeu, totalement sincères et impliqués, Jean-Marc Catella (Sacco) et Jacques Dau (Vanzetti) incarnent les rôles-titres comme les principaux personnages qui, amis ou ennemis, ont fait partie intégrante de cette triste histoire. Ils seront tour à tour les témoins intimidés pour mentir à la barre, parfois réduits au chômage tant qu’ils ne coopèrent pas, policiers ayant « égaré » des pièces à conviction, procureur fantoche (on le taxa alors de « bouffon ») qui instruira sans cesse à charge, Gouverneur expliquant sa vison des choses… Outre une saisissante reconstitution des préparatifs de l’exécution, cette scène est particulièrement emblématique de la pièce.
Alain Guyard, l’auteur, intègre en effet à ces faits d’Histoire une salubre réflexion sur les rapports pour le moins ambigus entre la politique et la justice. Les propos tenus par le Gouverneur face à Vanzetti venu lui demander sa grâce, résonnent à plein avec le monde d’aujourd’hui. Pour lui, il fallait faire mourir dans l’œuf la révolte des syndicalistes. Le pouvoir a donc trouvé des boucs émissaires dont les principales fautes étaient d’être pauvres, immigrés et anarchistes. Bref, il ne s’agit pas de Justice mais de Politique ! Je n’ai alors pas pu m’empêcher de penser à la récente affaire dite de Tarnac, son lot de contre-vérités et d’erreurs, au mieux, et autres truquages qui semblent avérés.
Face à cette « partie intégrante de la mer infinie des laissés pour compte », le Gouverneur poursuit avec cynisme. Il suffit, dit-il de faire peur au peuple pour que celui-ci, demandant à être protégé à tout prix, accepte de perdre sa liberté… Ou le moyen imparable de « faire disparaître la démocratie au nom même de la démocratie ». Ça ne vous rappelle rien ni personne ?
Quelques mots encore sur la mise en scène de François Bourcier qui ajoute une esthétique soignée à sa très belle direction d’acteurs. Une poignée d’accessoires, chaises et draps blancs, et voici surgir une cellule de prison, un tribunal, un bureau majestueux… Sans oublier le jazz et les images d’archives.
Un superbe hymne à la liberté, intemporel et universel, à ne pas manquer !
Caroline Fabre
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Sacco et Vanzetti
D’Alain Guyard
Mise en scène de François Bourcier
Avec Jacques Dau et Jean-Marc Catella
Du 13 octobre 2012 au 23 février 2013
Du mardi au samedi à 20h
Matinée le samedi à 17h
Durée : 1h20
Théâtre du Petit Hébertot
78bis, bd des Batignolles
75017 Paris
M° Rome ou Villiers
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[Visuel : Sacco et Vanzetti © Caroline Coste]
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