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ROUGE, Arestrup et Moncorgé, un grand moment de théâtre !

Patrick duCome 10 octobre 2019
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ROUGE !

Cette pièce de l’auteur américain John Logan (Red 2009) que Jérémie Lippmann met en scène avec assez d’élégance se déroule dans les années 1950. Elle souligne les relations orageuses entre le peintre Mark Rothko et son jeune assistant, Ken. Après son succès londonien, elle a été reprise à Broadway où elle a reçu six Tony Awards…

…pour mémoire, les Tony Awards (Antoinette Preey Awards) sont des récompenses théâtrales décernées aux USA par l’American Theatre Wing depuis 1947. On considère souvent cette récompense comme l’équivalent des Oscars pour le cinéma.

Niels Arestrup et Alexis Moncorgé dans Rouge

Il y a de la violence dans cette relation peu paisible entre un maître et son apprenti. Rothko (Niels Arestrup époustouflant), pour le moins torturé, gronde, il rugit. Il semble sans concessions, ne partageant ses propres convictions si possible qu’avec lui-même et accessoirement avec son assistant. Dans sa misanthropie, Jung comme Freud, Nietzsche comme Matisse ont seuls les faveurs de ce peintre surréaliste (1903-1970) de l’École de New-York lequel nous fait les témoins de la lutte qu’il arbitre entre les couleurs rouge, noir ou blanc, écorchant au passage Andy Warhol comme peintre gribouillard.

Rothko gueule sa souffrance, en particulier à Ken (Alexis Moncorgé), son jeune assistant, qui d’années en années qu’il passe à ses côtés finira par se désolidariser des infernales vitupérations de l’artiste pour quasiment apporter la contradiction que nul, le pense t-on, n’aura osé lui apporter. Bref en mettant à mal le sphinx, le jeune Ken tiendra t-il le choc ? Pas facile de contredire Titan ! Surtout quand celui-ci cède à la facilité et/ou à la vénalité en se mettant à réaliser des peintures grand format pour le fameux restaurant Four Seasons. La commande de trop ?

La révolte contre le père ?

Ce cri que pousse Mark Rothko à l’adresse de Ken, son assistant, en lui hurlant à la figure qu’il ne faut pas le prendre pour son père, puisqu’il n’est pas son père, est grandiosement rendu par Niels Arestrup ici bien émouvant. Le nœud de la pièce ne se situe t-il pas dans cette relation quasi tribale et somme toute affective ?

Il s’agit là en effet d’un huis clos qui s’avère étouffant pour les deux protagonistes. Huis clos où se pose la question de l’idée même de l’Art et celle de la position de l’artiste par rapport au marché de l’Art. Bref, au jeu de rôle de l’artiste à l’aune de sa sincérité.

Dans la relation de père à fils qui dépasse celle de maître à élève, Alexis Moncorgé, dont on aurait pu penser dans les premières minutes qu’il se ferait avaler tout cru par Niels Arestrup, est un comédien qui sait prendre son temps. Dès lors, c’est tout en finesse et en puissance distillées qu’il apporte un contrepoint permanent au monstre qui ne l’envahira pas et qu’il arrivera à ébranler durablement.

Niels Arestrup est Mark Rothko

Dans cet immense atelier (Jacques Gabel, scénographe) la couleur rouge domine. À chacun d’y prendre pour son grade ! Les artistes peintres et l’Art en général, comme le public passif des galeries ou des salles d’exposition reçoivent leur lot de vérités assénées par Mark Rothko, peintre écorché vif, qui cependant par son bon sens et son franc-parler en deviendrait philosophe. Jusqu’au jour où, au fil du temps, celui qu’il embauchait il y plusieurs années comme son timide assistant devenait un redoutable bretteur et l’exposait face à ses possibles contradictions… En cela, la montée en puissance de Ken est fort bien dominée par Alexis Moncorgé.

Et Niels Arestrup en joue. Il est comme ce joueur de rugby qui a fait tout au long du jeu une série de passes qui ont permis à l’ailier droit de marquer tous les essais. Alors la tentation est trop forte de dire avec facilité que tous les essais sont ici transformés.

« Que voyez-vous ? … ? » interroge Rothko en s’adressant à Ken qui se situe hors scène, en fond de salle, dans la travée centrale. Je vous l’assure, des voix s’élèvent dans le public qui répondent…

Rouge !

Vous avez dit Rouge ? C’est gagné !!!!

Patrick duCome

PS : Attention ! Vous allez  venir au Théâtre Montparnasse. Ne ratez pas dans le hall d’entrée, le grand panneau de céramique « L’Oiseau de Feu » œuvre de l’artiste persan Sciddel, exécuté à Rome en 1966 par les Ateliers Tanagra

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