Rituel glacial du pouvoir
L’abattage rituel de Gorg Mastromas De Dennis Kelly Mise en scène de Chloé Dabert Avec Bénédicte Cerutti, Gwenaëlle David, Marie-Armelle Deguy, Olivier Dupuy, Sébastien Eveno,Julien Honoré, Arthur Verret Du 19 avril au 14 mai 2017 Tarifs : 12 à 31 euros Réservation par tél. au 01 44 95 98 21 Durée : 2h10 Théâtre du Rond-Point |
L’abattage rituel de Gorg Mastromas nous fait suivre la vie d’un homme cynique qui trace sa route en abattant méthodiquement ceux qui peuvent lui servir de marche-pied. Un parcours d’homme d’affaires froid et sans suspens, somme toute banal dans les sphères du pouvoir. L’auteur londonien Dennis Kelly manie aisément une langue directe qui décrit en allant droit au but les faits ou les comportements. Il utilise les adjectifs mais à la seule condition qu’ils soient crus et sans détours, fort bien choisis pour piquer le nerf, le tout avec un détachement amusé. Dès le début de la pièce, un narrateur en costume cravate nous expose le contexte avec le cynisme teinté d’humour qui domine l’ensemble. Il s’adresse au public dans la salle restée éclairée et nous présente Gorg en un long prologue, jusqu’à ce que se mettent en place les personnages. Le dispositif du plateau est installé par Gorg lui-même. Qu’ils ou elles soient chefs d’entreprise, collaborateurs ou négociatrices, tous ont ce parler acéré dans lequel s’insérent des bribes de spontanéité du type “Là j’ai envie de pisser”, sans variation dans la modulation du discours. Le procédé créé une nappe verbale caustique, un effet percutant où les requins affairistes ont la vitesse des flèches empoisonnées. Gorg Mastromas, ce piètre héros parti de peu, se faufile inlassablement dans les rouages de ce monde où les entreprises et les femmes sont traitées à l’identique, vecteurs de puissance et d’enrichissement, matière utile à l’ascension sociale. La vie de Gorg jusqu’à son achèvement solitaire quoique richissime se déroule de mépris en mépris sans jamais être traversée par des questions éthiques. Même la venue in fine de son petit-fils sympathique quoique un peu terne ne suffit guère à ranimer une étincelle d’humanité.La marche de la puissance financière dominatrice reste essentiellement glaciale. Seules de rares intrusions parviennnent à souffler une tentative d’émotion. Il en est ainsi de la venue du frère interprété par Olivier Dupuy, qui, mangeant son sandwich en regardant un lac absent, apporte une bouffée d’oxygène. De même Louisa, interprétée par Bénédicte Cerutti, qui se décide à quitter Gorg en espérant en vain une lueur de vérité dans la bouche de cet homme habité par le calcul et le mensonge. La mise en scène est réglée avec minutie, dans une mécanique verbale et gestuelle très réussie et les comédiens s’y prêtent avec une grande maîtrise.Le public est pris par le récit , puisqu’il s’agit bel et bien de cette forme, le narrateur revenant régulièrement sur le plateau. Mais l’épopée annoncée n’y est pas. Sans poésie ni exploit, la trame est droite. Ces trajectoires d’hommes puissants extérieurement et dénués d’aptitude humaine sont légion et déjà presque datées, car les maîtres du pouvoir actuel ont su apprendre les faux-semblants de la morale. L’abattage de Gorg Mastromas évite le paradoxe et les ambiguités, tant et si bien qu’on manque de chair et de sang mais les spectateurs épris de liturgie auront toute satisfaction pour ce qui est de l’ordre codifié et formaté du rituel. Emilie Darlier-Bournat Crédits photos : Solange Abaziou |
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