Rimbaud Verlaine : récit d’un amour enragé !
Ce spectacle retrace l’épisode tumultueux que fut la rencontre de Rimbaud et Verlaine. L’occasion pour le théâtre du Gymnase de nous convier à un mariage original entre précision historique et création musicale séduisante interprétée avec brio.
La passion vécue par Arthur Rimbaud et Paul Verlaine a été surprenante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle unit deux des plus grands auteurs du 19e siècle dans une aventure explosive au dénouement dramatique. Ensuite, cet amour « tigre », comme ils le définissent eux-mêmes, a toujours gêné une société soucieuse d’édulcorer tout ce qui ne rentrait pas dans le cadre des « bonnes mœurs ». Les deux génies de la poésie, défenseurs de La Commune, homosexuels affirmés, avaient tout pour que l’on ne retiennent d’eux que leurs écrits, même si cette relation, qui se termine par les deux coups de révolver tirés par Verlaine sur Rimbaud, était difficile à passer sous silence.
Stéphan Roche retrace dans son livret cette rencontre. En 1871, à 17 ans, Arthur Rimbaud, une nouvelle fois, fugue pour fuir Charleville et venir à Paris rencontrer celui qui est son idole, de dix ans plus âgé que lui. Et ce, jusqu’au départ de Paul Verlaine pour la prison de Mons. Il le fait avec un souci de l’exactitude qu’il convient de saluer, le côté musical de l’œuvre n’ayant donc pas conduit aux raccourcis ou autres approximations que l’on voit trop souvent dans ce genre de spectacle. Du reste, loin d’être une « Romances sans paroles », c’est un texte riche en informations qui sert de base à la belle musique de Daniele Martini. La partie chantée est portée haut par une troupe sans faille, parfaitement au diapason.
Face à l’irréprochable Stéphan Roche (Verlaine), Éric Jetner est un très beau Rimbaud, aussi puissant dans les graves que les aigus, tandis qu’Henri de Vasselot nous offre notamment l’inoubliable et croquignolesque chanson de la particule (celle du juge qui condamnera Verlaine). Côté féminin, l’excellence est aussi au rendez-vous, Marion Cador tient son rôle de femme souvent outragée avec grand talent tout comme Eléonore Beaulieu qui assume avec force le rôle des deux mères. Pascale Moe Bruderer incarne, pour sa part, cette fée verte (aussi présente sur scène que dans la vie des deux héros) magnifique danseuse, et ce même si les chorégraphies ne sont, probablement pas, le point fort du spectacle.
L’œuvre décrit parfaitement l’être volcanique, parfois brutal, à la destinée fulgurante que fut Rimbaud dont il faut rappeler qu’il n’écrira plus rien après l’âge de vingt ans et qui reste à tout jamais le symbole d’une jeunesse éprise de ruptures. Il entrainera dans sa course folle vers l’abîme un Verlaine qui, sous le charme du génial diablotin des Ardennes, sera souvent trop faible pour parvenir à le canaliser.
L’équipe réunie autour de Stéphan Roche nous permet de prendre plaisir à ce voyage musical pimenté de façon originale par des moments très cocasses et fort bien joués, nous permettant de savourer l’évocation du terrible destin de nos deux plus grands poètes maudits.
Philippe Escalier
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