Richard III en rock star gore à l’Odéon
Richard III De Shakespeare Mise en scène de Thomas Jolly Avec Damien Avice, Mohand Azzoug, Étienne Baret, Bruno Bayeux, Nathan Bernat, Alexandre Dain, Flora Diguet, Anne Dupuis, Émeline Frémont, Damien Gabriac, Thomas Germaine, Thomas Jolly, Francois-Xavier Phan, Charline Porrone et Fabienne River et en alternance Jean Aviat, Bilal Foot, Maya Colombani, Lucie Cormier, Jeanne Dafix, Blaise Desailly, Garance Hamon, Gaspard Martin Laprade, Yoko Moy et Basile Thevenin Jusqu’au 13 février 2016 Du mardi au samedi à 19h30, dimanche à 15h, relâche le 24 janvier 2016 Tarifs : de 6 à 40 € Réservation en ligne Durée : 4h30 avec entracte Théâtre de l’Odéon M° Odéon |
Jusqu’au 13 février 2016
Après les dix-huit heures de triomphe théâtral d’Henry IV qui ont fait le tour de la France depuis 2010, revoici Thomas Jolly, 33 ans, métamorphosé en rock star criminelle poursuivant le travail satanique de ses pairs shakespeariens dans un Odéon transformé en cabaret gothique. Cathédrale de lumière et rayons lasers Dans un temple noir sculpté par des faisceaux de lumière qui strient l’espace comme une prison, le futur roi Richard sort de son antre de sous la terre, homme araignée difforme au bras gauche desséché et au dos bossu, traînant la patte comme un animal blessé. Manquant cruellement d’amour parental, dans une ambiance de gueule de bois depuis la mort d’Henry IV et une Angleterre dévastée par la guerre des Deux-Roses, maintenue par la main de fer d’Édouard IV, Richard ne va faire qu’une bouchée d’ogre de ce royaume policier qu’il va apprivoiser, ligoter pour régner en maître et assassiner tous les prétendants légitimes au trône. Jolly démiurge Le metteur en scène Thomas Jolly, qui, à 33 ans, ne manque ni de souffle, ni d’énergie, endosse ce rôle monstrueux durant plus de quatre heures, incarnant avec les acteurs de la Piccola Familia la presque totalité de la pièce qu’il a lui-même adaptée de la version française de Jean-Michel Déprats. Son incarnation explosive, bouillante, fait du personnage un héros maléfique à l’allure baroque, emplumée, au corps hyper-acrobatique malgré sa difformité. Jolly gambade, escalade, harangue le public de l’Odéon auquel il fait constamment face, tout comme les autres acteurs qui nous rendent complices de leurs crimes et de leurs odieux méfaits. Sonorisation et ambiance de boîte de nuit Les effets visuels, rayons lasers robotisés dans une chorégraphie à la géométrie parfaite, projections vidéos tendance Guerre des étoiles et sono hurlante nous projettent dans un monde terrifiant, truffé de télésurveillance, où les portes se referment comme dans un manga glaçant. Climax de la pièce, la scène du couronnement voit le héros démoniaque s’emparer d’un micro et, moulé dans un pantalon blanc, costume d’or et de plumes, entonner une chanson en anglais (Clément Miguet) sous les applaudissements et les encouragements fanatiques du public jeune dans un Odéon prestigieux transformé en gigantesque boîte de rock. Que reste-t-il de la profondeur de la pièce ? Et ce traitement de choc nous permet-il de saisir l’ambiguïté, les paradoxes et la souffrance de ce héros handicapé condamné à la tyrannie sanguinaire ? Rien n’est moins sûr. Car ici les effets ont tendance à nous faire oublier le texte et à ne nous montrer qu’un serial killer dans sa mise à mort automatisée pour le pouvoir. La performance est étonnante, spectaculaire, souvent drôle. Mais on aurait aimé être beaucoup plus émus. Hélène Kuttner [Photos © Brigitte Enguerand et Nicolas Joubard] |
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