Rêve d’automne – Théâtre du Nord
Ainsi commence Rêve d’automne, pièce dense et funèbre de Jon Fosse. Après avoir hanté le salon Denon du Louvre et les planches du Théâtre de la Ville, cette mise en scène de Patrice Chéreau investit le Théâtre du Nord pour dire, une nouvelle fois, le destin tragique de sept personnages traversés de sentiments et de pulsions les plus paradoxaux qu’ils soient.
La femme, l’homme forment le centre d’un cercle autour duquel gravitent ses parents à lui, sa grand-mère, son ex-femme, leur fils. Gravitent, au sens propre du terme : en transposant la scène dans un musée, autre lieu de mémoire, Chéreau donne de la profondeur, de la hauteur au plateau, conférant ainsi aux passages répétés des personnages dans les immenses embrasures de porte, une gravité qui trouve sa beauté dans la noblesse de leurs poses résignées, éthérées – comme un écho aux attitudes figées des figures peintes sur les tableaux qui surplombent la scène.
Les comédiens sont tous remarquables, mais Pascal Greggory, avec son allure de clochard fatigué, tire son épingle du jeu dans la simplicité de son jeu, dont la subtilité met en valeur les contradictions dont est pétri son personnage. Tiraillé entre pulsion de vie et pulsion de mort, entre fidélité et passion, il regarde avec résignation le monde s’écrouler autour de lui, avant de s’effondrer lui-même. Seules les femmes, dans la vision du monde de Fosse, parviennent à rester debout.
La scénographie adopte le rythme d’une contemplation mélancolique, atmosphère seyant à merveille à cette pièce qui décrit le parcours de trois hommes – le jeune, le cinquantenaire et le vieillard – vers leur mort. Cette lenteur assumée, si elle rend la pièce difficile d’accès au premier abord, rend le cheminement de chacun des personnages d’autant plus poignant, créant un sentiment d’émotion profond alors que se dénoue le drame dans un dernier tableau à l’esthétisme tragique.
Dans un décor de bois et de toiles aux teintes automnales, où veillent les grands maîtres de la peinture du XIXe siècle, la pièce peine à trouver son rythme. Cependant, une fois le spectateur happé par la densité du texte, ce Rêve d’automne devient une vision dont il peine à se détacher.
Audrey Chaix
enjoy the theatre
Rêve d’automne
De Jon Fosse
Mise en scène de Patrice Chéreau
Scénographie de Richard Peduzzi
Avec Valéria Bruni-Tedeschi, Pascal Greggory, Marie Bunel, Bulle Ogier, Alexandre Styker, Bernard Verley
Du 8 au 18 mars 2011
A 20h, les jeudis à 19h et le dimanche 13 mars à 16h
Réservations : 03 20 14 24 24 ou sur le site du théâtre Prix des places : 23 € (plein tarif) ; 10 € (moins de 26 ans), 16 € (groupe), 7 € (demandeur d’emploi), 20 € (plus de 60 ans).
Théâtre du Nord
4, place du Général de Gaulle
59000 Lille
Autour du spectacle
Du 9 au 23 mars
Carte Blanche à Patrice Chéreau : ses films et ceux qu’il aime.
Au cinéma Le majestic, en partenariat avec Plan Séquence.
Lundi 14 mars 2011 à 18h
Projection au Fresnoy – Tourcoing : Peer Gynt
Spectacle créé par Patrice Chéreau en 1981 au TNP à Villeurbanne
Mercredi 16 mars à 18h30
Cours public (analyse de la représentation théâtrale) animé par Yannic Mancel
Petite salle, Théâtre du Nord, Lille
Entrée libre
[Visuel : © Pascal Victor-ArtComArt]
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...