Rencontres chorégraphiques : Place à la danse !
Rencontres chorégraphiques 2017 Du 12 mai au 17 juin 2017 Réservation par tél. au 01 55 82 08 01 |
Du 12 mai au 17 juin 2017
Les Rencontres chorégraphiques sont un festival de danse aux engagements forts. Sa directrice, Anita Mathieu, présente cette année un programme particulièrement explosif, sismographie d’une scène artistique sous haute tension. Vingt-neuf chorégraphes en provenance du monde entier. Que ce soit en Inde ou au Québec, au Brésil ou au Japon, en Autriche ou en Iran, partout ces artistes revisitent, détournent et défient les pressions sociales qui conditionne leur quotidien. Les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis sont-elles un festival militant? Plutôt oui. Plus que d’autres festivals de danse, elles rassemblent des voix demandeuses de justice et de liberté. Mais au-delà de revendications, ce festival est une fenêtre sur le monde, ses orages, ses énergies, son histoire et ses désirs.Place aux femmes ! L’un des mérites d’Anita Mathieu est d’ouvrir les scènes où se déroulent les Rencontres aux femmes et de leur offrir une place particulièrement forte pour exprimer leurs points de vue, leurs revendications et leur intelligence. Dès son ouverture, le festival s’attaque à des enjeux fondamentaux, avec des spectacles qui mettent en lumière comment nos corps sont exposés à une domination sourdine. Keren Levi, Israélienne travaillant aux Pays-Bas, questionne le regard masculin sur le corps de la femme. Les huit interprètes sont nues, mais ne peuvent être atteintes par un regard direct. Rideaux et éclairages créent des tableaux plus ou moins abstraits évoquant la fragilité, la pornographie, la sensualité. « The Dry Piece / XL Edition » ouvre une perspective kaléidoscopique sur le corps qui nargue la tentation voyeuriste des spectateurs avec des effets visuels de grande beauté plastique. Doris Uhlich est Autrichienne et réagit, dans « Boom Bodies », à la fragilité de tous et à nos peurs collectives suite aux attentats islamistes et aux violences sexuelles de la nuit du 31 décembre2015 à Cologne. Mais ces huit corps brassés par l’énergie foudroyante d’une musique techno – un DJ est sur scène – adoptent une attitude de résistance. La création « Nos Féroces » de Sévérine Rième s’appuie sur la force et la poétique du « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, en réponse à une exploration de la société antillaise d’aujourd’hui qui inspire une pièce chorégraphique et musicale portée par la liberté de ton d’Aimé Césaire, sa férocité et ses éclats. Place aux jeunes ! Le Vincent Dance Theatre donne la parole aux adolescents, dans une pièce parodique et grinçante qui se joue des stéréotypes actuels de l’hypersexualisation des filles, des stéréotypes et des peurs. Dans « Virgin Territory », les chiens aboient et l’ambiance de fête, avec son gazon vert et ses ballons de baudruche accueille aussi des scènes évocatrices de violences et de pédophilie… Michel Schweizer Et Loona Doherty, chorégraphe irlandaise, s’intéresse aux jeunes hommes qui prennent des postures provocantes dans les rue de Belfast, en Irlande du Nord, ce qu’elle mixe tel un DJ gestuel à des réminiscence de voguing et de la musique sacrée. Plus jeunes encore: Dans « Keep Calm », Michel Schweizer met des spectateurs exclusivement adulte face à des enfants de dix à treize ans qui remettent en cause les certitudes des adultes dans des séances de dix minutes, chacune pour une dizaine de personnes. Et même si cette performance n’est pas dansée, elle opère une inversion des rôles et de l’exercice du pouvoir qui crée un aboutissement des démarches de beaucoup d’autres pièces présentées aux Rencontre chorégraphiques. Place aux opprimé(e)s ! Il y en a beaucoup, cette année. Et les femmes s’y mettent en marche pour parler de leur condition. Loona Doherty partage la soirée, entre autres, avec Mitra Ziaee Kia, une Iranienne qui puise dans l’histoire dans son pays pour évoquer le triste sort des femmes au XIXe siècle, l’époque Quajar, où les rois entretenaient des harems. La chorégraphe-interprète porte son regard sur la solitude de ces épouses pour parler du sort des Iraniennes à notre époque. Et Mallika Taneja, qui vient d’Inde, prend à contrepied toutes les injonctions qui culpabilisent les femmes par rapport à leur corps, en le cachant sous toujours plus de vêtements, pleine d’ironie. Et pourtant, ce solo est né de l’indignation suite à un viol collectif. Daina Ashbee, Québécoise, propose un solo imprégné des violences subies par les peuples autochtones du Canada, et notamment par les femmes. Quand le corps de la femme devient un instrument de percussion… L’Afrique a sa place aussi. Pas l’Afrique telle qu’elle existe dans la perception européenne, mais la vraie, l’Afrique en mouvement, celle qui a déjà conquis la modernité. C’est que réclame Frank Micheletti, le chorégraphe de la compagnie Kubilai Khan Investigations, qui a écrit ce solo pour le danseur Idio Chichava. Place à l’erreur ! D’autres se rebellent de façon plus philosophique et métaphorique, mais avec d’autant plus de virulence. Dans « Je suis une erreur », Jean-Sébastien Lourdais, mis en scène par Jean-Luc Terrade, dit le texte éponyme de Jan Fabre. Il parle, éructe, s’étrille et se révolte contre sa condition, tel un Socrate modern revisité par Camus, et finalement assume sa propre violence dirigée contre lui-même, comme nécessité pour s’accomplir. Jan Fabre s’est-il inspiré du texte de Peter Handke intitulé « Introspection »? La chorégraphe Ann Van Den Brock s’en inspire pour créer « Accusations », une partition verbale, obsessionnelle, pleine d’humour noir, entre concert et installation vidéo. Les huit personnages se livrent à une course hypnotique, poussés en avant car hantés par leurs erreurs et désirs inassouvis. Alexander Vantournhout, dans « Aneckxander », solo créé avec la dramaturge Bauke Lievens, considère son corps, et surtout son cou – d’une longueur étonnante – comme une erreur et fait tout pour en dissimuler les effets, les rendant par-là drôlement grotesques. Chaussures à plateformes pour rallonger ses jambes, collerette blanche pour masquer son cou, gants de boxe pour… apparaître tel un poulet à griller? Car à part ça, il ne porte rien sur son corps dont il explore les possibilités tragiques à la manière d’un Buster Keaton circassien. Place au rituel ! Herman Diephuis, Néerlandais bien connu en France, a rencontré au Brésil le jeune danseur Jorge Ferreira, qui l’a ébloui par sa facilité à passer d’un état à l’autre. Dans « Tremor and more », il le pousse vers un rituel proche de la transe entre le féminin et le masculin, le ridicule et le gracieux, la maîtrise et le lâcher-prise. Vania Vaneau est Brésilienne, et connaît parfaitement ces rituels de trance chamaniques et afro-brésiliens. Dans « Blanc », elle réinvente la cérémonie, de manière anarchique, complètement libre, se débarrassant d’une myriade de robes pour arriver à un état originel posant moult question sur nous-mêmes. Vera Mantero, elle, est allée dans le désert, celui de l’Algarve, dans son Portugal natal. Elle y cherche le silence, le spirituel, l’authentique, auprès d’une population paysanne et leur culture orale. Leurs voix traversent l’espace tels des esprits. Dans le silence du désert, Mantero donne à voir un autre-monde et évoque les effets de la désertification. Et Azu Minami, la Japonaise, part du butô et du tsunami de 2011, dans un solo fiévreux où le corps est déchiré par la cruauté des lumières autant que par celle des ténèbres. « Earth Bound » est un solo qui montre comment on transforme ses blessures en force artistique. Place aux excès ! Pere Faura, ce Catalan irréductible, nous amène une « Sweet Tyranny », fresque festive et très visuelle pour huit danseurs qui cherchent l’extase en s’emparant de l’univers des comédies musicales des années disco : John Travolta, Patrick Swayze… Mais ici la fête ne se passe pas sans remix ou sans effets de répétition, ni sans montrer que la sueur coule à flots. La danse, le divertissement sont une tyrannie. Mais heureusement, elle a un goût plutôt sucré… L’opposition entre volupté et ascèse est au cœur d’une autre grande pièce des Rencontres chorégraphiques 2017: « Combat de Carnaval et Carême » d’Olivia Grandville, avec dix danseurs dans une ambiance sobre et contemporaine, et pourtant directement inspirée du célèbre tableau de Brueghel l’Ancien et ces cent soixante personnages sur une place de marché en liesse. Et Grandville sait parfaitement s’amuser de Brueghel. Thomas Hahn [Crédits Photo 1 : © Anna Vankooji / Photo 2 : © Bosie Vincent / Photo 3 : © Qazal Sedaqat Larijani / Photo 4 : © Maarten Van den Abeele / Photo 5 : © Eric-Villemain / Photo 6 : © Jordi Surribas ] |
Articles liés
GREMS investit le MUR Oberkampf le samedi 9 novembre !
GREMS interviendra sur le MUR Oberkampf le samedi 9 novembre 2024 à partir de 10h et recouvrira l’œuvre de Williann. À propos de GREMS Formé à l’école des Beaux Arts de Bordeaux Michael Eveno Aka Grems est un artiste...
“Cheval de Chang’an”, un spectacle de danse néo-classique chinoise au Musée Guimet
Cheval de Chang’an est une odyssée à travers le temps et l’espace, où modernité, tradition, histoire et art s’entrelacent pour révéler la splendeur d’une époque dorée de la Chine ancienne. S’inspirant des bas reliefs des six coursiers du mausolée Zhao...
“Taxi Story” : un spectacle de Sébastien Perrier sur une mise en scène originale, entre théâtre et cinéma
Un conducteur de taxi solitaire entreprend un voyage dans le temps pour tenter de sauver son amour. Dans le huis clos d’un taxi, un simple trajet peut bouleverser une vie… Samedi 22 décembre 2018 : Léo et Julie sont...