Rencontres Chorégraphiques : l’empreinte féminine
Avec trente compagnies représentant dix-sept pays, les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis sont plus que jamais placées sous le signe de la découverte. L’édition 2018 présente une génération de jeunes chorégraphes venant de Taïwan, d’Autriche, du Brésil ou d’Argentine, d’Australie, d’Allemagne, d’Espagne, de la République tchèque, d’Israël ou de Belgique.
Si les Rencontres Chorégraphiques offrent plus de surprises et de découvertes que tout autre festival de danse en France, la directrice artistique, Anita Mathieu, est tout sauf insensible aux valeurs sûres. Mais disons qu’elle ne sera jamais vraiment du côté du mainstream, et toujours prête à lancer des défis esthétiques.
On verra donc aussi des chorégraphes confirmés, comme Daniel Léveillé de Montréal, Cindy Van Acker de Genève ou Mié Coquempot. Il importe également, pour passer dans ce festival de référence, qu’on interroge quelque part le lien entre l’intime, le vivre-ensemble et les chamboulements du monde actuel. Les chorégraphes peuvent ainsi interroger l’actualité aussi bien que notre rapport à l’ancestral ou les fondements de la vie.
Ouverture en fanfare(s)
Les Rencontres Chorégraphiques ouvrent le 16 mai avec My soul is my visa, la dernière pièce de Marco Berrettini, et une création mondiale de Lisbeth Gruwez. Dans un esprit festif, Berrettini mélange les jeunes interprètes et une pointure comme Ruth Childs, les musiques d’Éric Satie et de Nina Simone, ou le concours disco avec l’univers de Pina Bausch. Et sera suivi de The Sea within de Gruwez, une création pour onze interprètes féminines, une tempête des corps en marche vers la fusion, où s’affrontent l’ordre et le désordre.
La soirée d’ouverture indique bien la tendance du festival qui fait la part belle aux femmes, avec de nombreuses pièces à la distribution exclusivement féminine. Les deux tiers des artistes chorégraphiques qui montent sur scène sont féminines. Elles sont onze dans The Sea within de Lisbeth Gruwez, sept dans Sheroes de Christoph Winkler, cinq dans Hypersonic states de l’Islandaise Margrét Sara Gudjónsdóttir. Sans compter les duos et les solos.
Femmes à barbe
Paula Pi et Sorour Darabi créent et interprètent ensemble un duo où le masculin et le féminin sont libres comme l’air, en l’un(e), en l’autre ou les deux mélangés. L’Allemand Christoph Winkler transfère, dans Sheroes, les stéréotypes de la virilité et de l’héroïsme sur sept femmes, pour dynamiter, avec délice et dérision, le mythe de la puissance masculine. Également allemande, Jule Flierl revisite la danse expressionniste – et vocale ! – de Valeska Gert où la voix et le corps se marient dans une liberté qui devient celle du spectateur et des espaces scéniques.
À noter surtout la venue de l’Irlandaise Oona Doherty avec Hard to be soft : a Belfast prayer qui questionne, en plusieurs tableaux, l’identité masculine dans un contexte urbain et socialement défavorisé, interprété avec fougue et sensibilité par Doherty elle-même. Dans un autre tableau, on verra, et c’est également à relever, John Scott, véritable poids lourd de la scène chorégraphique de Dublin.
Avec Doris Uhlich (Autriche), Marcela Levi et Lucia Russo (Brésil/Argentine), Mylène Benoit, Annamaria Ajmone, Kat Válastur, Yu-Ju Lin, Tereza Hradilková et les deux danseuses et trois chanteuses des Israéliennes May Zarhy et Michal Oppenheim, les femmes donnent à cette édition son identité et son éclat.
Questions autour du corps contemporain
Côté hommes, les solos de Martin Hansen et Matthieu Barbin, de Chey Jurado et Elias Aguirre, les duos de Jozsef Trefeli et Gabor Varga ou de Marco D’Agostin sont tout aussi internationaux et prometteurs en termes de découvertes.
Giuseppe Chico et Barbara Matijevic créent Our daily performance, où la danse réinterprète les tutoriels, ces démonstrations en vidéo qui envahissent Internet. Dans cette pièce pour cinq interprètes, les how-to sont une source gestuelle qui dévoile ce qu’est le corps contemporain. L’espace virtuel et numérique joue également un rôle central dans Anonymo de Tzeni Argyriou alors que la chorégraphe grecque se penche sur l’héritage des danses traditionnelles.
Thomas Hahn
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