Rencontre : “Melone Blu”, comment le théâtre peut-il s’engager pour l’environnement ?
Après L’Inversion de la courbe, la compagnie La Poursuite du Bleu crée Melone Blu, un “conte écologique” qui verra le jour en septembre prochain au Théâtre 13. La pièce s’attaque à la question de l’environnement, en en faisant le cœur de son propos et de son engagement.
Le Synopsis
C’est par accident que notre grand-père, Felice Verduro, a découvert l’île de Melone Blu. Felice était pêcheur depuis son plus jeune âge et, alors que sa retraite approchait, il ne s’imaginait plus capable de se perdre au large. Il n’imaginait pas non plus qu’en se perdant, il allait découvrir une île où poussait un fruit aux vertus fabuleuses. Il n’imaginait pas davantage que ce fruit ferait vivre à sa descendance l’aventure entrepreneuriale la plus extraordinaire que la région n’ait jamais vécue.
Melone Blu est l’histoire de nos progrès et de leurs conséquences, l’histoire de générations qui avancent en aggravant les erreurs de leurs aïeux. Un conte écologique, le nôtre.
La Démarche
La pièce questionne le rapport conflictuel entre progrès économique et préservation des ressources naturelles. Mais le travail de La Poursuite du Bleu ne s’arrête pas au récit, il est cœur de la création et souhaite également avoir un impact hors de la salle.
En plus d’une production qui veille à son impact, le spectacle veut agir concrètement pour l’écologie. Parmi les actions du projet : la plantation de milliers d’arbres avec Reforest’Action, le financement de formations à l’agro-écologie chez Fermes d’Avenir ou la possibilité d’utiliser les billets du spectacle comme de la monnaie locale chez des revendeurs de produits bio et locaux.
Questions à Samuel Valensi, fondateur de La Poursuite du Bleu, auteur et metteur en scène de « Melone Blu »
Comment l’idée d’écrire et de mettre en scène une nouvelle création portant sur un sujet aussi vaste et complexe que le progrès et l’environnement vous est-elle venue ?
Il s’agit pour moi d’une suite logique. L’Inversion de la courbe remettait déjà en question la logique d’une croissance infinie qui promettrait le plein-emploi. Or c’est la même promesse qui aimerait assurer l’abondance et voudrait faire croire qu’on peut tirer toujours davantage d’un monde pourtant bien limité.
Quant à la complexité, je pense que c’est un merveilleux support à la création. C’est justement dans la mesure où c’est un sujet vaste et complexe qu’il peut toucher chacun d’entre nous.
Pourquoi avoir choisi le prisme de la fiction pour parler de la question environnementale – et non un autre format comme le théâtre documentaire ?
Je pense que les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et les grands médias en ont suffisamment dit. L’information sur le sujet n’a jamais été aussi accessible et omniprésente. Nous n’avons plus besoin qu’on nous dise : nous avons besoin qu’on nous raconte.
Est-il vraiment si étonnant de penser que les récits peuvent changer le monde alors que nous sommes tous intimement persuadés que la société que nous connaissons n’existerait pas sans Jules Verne ou que personne ne serait allé sur la Lune sans les imaginaires de Hugo, de Méliès ou d’Hergé. Ce qui est au cœur de notre travail, c’est l’idée que seule l’émotion fait agir.
La culture se doit-elle d’être exemplaire pour être crédible ? Jusqu’où avez-vous décidé de pousser votre réflexion ?
Elle devrait l’être mais nous avons encore un long chemin à parcourir. La plupart des projets culturels utilisent beaucoup de matériaux neufs, d’éléments à usage unique, vivent de tournées polluantes… les œuvres sont rarement produites d’une manière responsable. Mais serait-il vraiment sérieux d’aborder un sujet comme l’environnement dans un décor en plastique qui aurait été produit pour être jeté ? On demande l’exemplarité à nos Hommes politiques, à nos sportifs, pourquoi ne pas la demander autant aux artistes qui sont aussi des sources d’inspiration ?
On a donc décidé d’être le plus impliqué possible sur ce point et cela demande des changements radicaux pour tous les membres de l’équipe. Julie Mahieu (scénographe) et Sabine Schlemmer (costumière) se plongent dans une réflexion dense pour trouver des décors, des costumes et des accessoires bio-sourcés, issus de la récupération et surtout recyclables. Nous cherchons par exemple des solutions d’ignifuge qui ne passent pas par la chimie lourde. Avec Laureen Bonnet (communication) et Mehdi Boufous (production), nous cherchons des supports de communication papiers qui seront issus du recyclage, recyclables voire plantables. Pendant la création, nous imposons un régime alimentaire biologique et de saison. On ne coupera pas à certains trajets polluants mais nous planterons des arbres avec Reforest’Action pour neutraliser notre empreinte carbone et toujours absorber plus de CO2 qu’on en émet. C’est vraiment une réflexion globale.
Que faut-il souhaiter à Melone Blu et à la compagnie La Poursuite du Bleu ?
Nous voulons être le premier spectacle qui agira positivement sur l’environnement et être, par la suite, le plus imité possible.
Nos projets ne sont pas politisés et il y a des sensibilités très différentes dans la troupe, mais ils sont assurément politiques dans la mesure où ils veulent agir. C’est la raison pour laquelle nous tissons ces partenariats tout autour du spectacle et offrons un soutien à des associations qui sont en train d’imaginer un avenir qui nous semble meilleur. Et nous ne faisons là qu’accentuer le travail que nous avions mené avec l’association Les Petits Frères des Pauvres pendant la création de L’Inversion de la courbe.
On se rend bien compte qu’avec une équipe soudée et des moyens raisonnables, on arrive à planter des milliers d’arbres, former les agriculteurs de demain, créer de l’activité pour des commerces responsables. Si nous y arrivons c’est donc à portée de main.
C’est, je l’espère, ce que racontera Melone Blu. Et cela passera par la crédibilité de notre démarche, l’émotion suscitée par le récit et l’inspiration qu’amènera notre engagement.
Écriture et mise en scène Samuel Valensi
Avec Brice Borg, Michel Derville, Paul-Eloi Forget,
Emmanuel Lemire, Valérie Moinet, Alexandre Molitor,
François-Xavier Phan, Maxime Vervonck
Communication Laureen Bonnet
Costumes Sabine Schlemmer
Lumières Angélique Bourcet
Motion Design Alexandre David
Musique Léo Elso
Production La Poursuite du Bleu, Mehdi Boufous & Samuel Valensi
Réalisation Vidéo Damien Babikian
Scénographie Julie Mahieu
Un spectacle coup de coeur 2019 de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
Avec le soutien du CENTQUATRE – PARIS, du Centre des Monuments Nationaux, du Domaine National de Saint-Cloud et de la Fondation Polycarpe
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