Rencontre avec Laurent Rochut, directeur de La Factory d’Avignon
Personnalité de la culture et force de propositions, Laurent Rochut est à la tête de La Factory qui réunit trois théâtres à Avignon. Il est aussi administrateur de l’association qui coordonne le Festival du OFF. Laurent Rochut souhaite faire de la ville d’Avignon la Cité du Théâtre. Il a initié un nouveau modèle qui permet l’accueil de compagnies tout au long de l’année.
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre choix de vous engager pour la culture, en particulier pour le théâtre et à Avignon ?
Je suis écrivain, metteur en scène mais aussi entrepreneur, j’ai géré un groupe de presse. Si je me suis investi dans le théâtre, c’était à l’âge de la maturité pour faire rejoindre mes passions et ma compétence entrepreneuriale. Le théâtre est une passion mais il y a une dimension économique, il faut des fonds, il y a des équipes à diriger, des investissements à anticiper. Mais c’est la première fois de ma vie que je travaille sans avoir l’impression de travailler parce que je travaille dans ma passion. C’est un peu l’arnaque parce qu’on n’est pas avare de son temps et je ne m’imagine pas ne pas faire ça jusqu’à mes derniers jours. Un peu comme Molière, j’espère bien, je mourrais à la tête de La Factory. Ensuite pourquoi Avignon ? En parallèle de mes activités de chef d’entreprise, j’ai été auteur, metteur en scène, directeur de troupe. J’ai commencé dans le théâtre de rue, à jouer des pièces de Goldoni, place de la Mirande.
En tant que comédien ?
Oui. J’ai ensuite fait plusieurs pièces qui ont fait le Festival, en tant que metteur en scène, comédien, puis comme metteur en scène et auteur. Le Festival, je l’ai connu sous différentes coutures.
Combien d’années ?
Comme spectateur, c’est 1998. Ma compagnie, c’est 2001. Un moment donné, je me suis demandé si j’allais mettre un terme à l’aventure de la presse pour autre chose que j’avais en tête. C’était d’aller à Avignon, de trouver un lieu de vie et d’arrêter la presse pour ne me consacrer qu’au théâtre. C’est le choix que j’ai fait avec ma femme. On a réfléchi ensemble à cette décision. On est venus en 2012 et trois ans après j’ai acheté le Théâtre de L’Oulle. C’est une histoire incroyable, je m’étais installé à deux pas de ce théâtre qui est sur un site partagé avec un restaurant, mais je ne voulais pas acheter le restaurant, seulement le théâtre. Et il se trouve que ce restaurant était ma cantine, j’y étais souvent car j’habitais tout à côté. Et l’aventure a commencé là. J’avais compris qu’il y avait un modèle à concevoir en lien avec le Festival d’Avignon. J’avais bien vu qu’il y avait des lieux qui n’ouvraient que l’été et qui économiquement étaient viables. J’ai souhaité faire de cette viabilité économique, un levier pour transformer les spectacles de l’art vivant à Avignon.
Mon idée est qu’un théâtre qui marche très bien grâce à un mois d’été se mette au service des compagnies, tout le reste de l’année. C’est ce que j’ai fait dès le début, dès ma première saison, en septembre 2015. J’ai ouvert le Théâtre de L’Oulle toute l’année à des compagnies en résidence, en communiquant sur des réseaux de théâtre, de metteurs en scène etc. Très vite j’ai vu qu’il y avait un besoin colossal. Dans toute la France, les conditions de travail pour les compagnies quand elles sont en création sont assez difficiles. Donc je me suis dit, il y a un vrai besoin et il y a une ville qui a une quarantaine de salles équipées qui ne servent à rien toute l’année. Or il y a un besoin et j’ai fait ce travail pendant deux, trois ans. La Mairie d’Avignon a compris le travail que je faisais. Cécile Helle, la Maire d’Avignon qui avait été élue en 2014, a conventionné le Théâtre de L’Oulle sur cette mission-là. Désormais, le Département et la Région Sud soutiennent également le projet.
De septembre à la mi-juin, j’accueille des compagnies gratuitement. Elles disposent d’un accueil technique, le théâtre est en ordre de marche, une régie d’accueil est présente pour le premier jour de montage. Les compagnies ont un outil sur une à trois semaines de résidence et elles repartent après avoir bénéficié de conditions de travail assez exceptionnelles puisqu’elles ont eu un plateau sans regarder l’heure. Elles ont les clés du théâtre, je laisse l’électricité, le chauffage, je ne demande rien. C’est une façon de rendre ce que le Festival nous accorde l’été. Les subventions ne couvrent pas tous les frais. J’ai démontré que le besoin était là. Il y a des compagnies qui viennent de toute la France, surtout de Paris où il n’y a pas de lieux, c’est difficile de travailler à Paris car il y a un manque important de locaux pour les compagnies parisiennes. Je suis administrateur du OFF et on a réussi avec quelques théâtres et compagnies à nous fédérer avec l’ambition de faire d’Avignon une Cité du Théâtre. L’idée c’est que des lieux qui sommeillent toute l’année soient des outils de travail, de création, de recherche, d’expérimentation. Pour l’instant, nous ne sommes que trois ou quatre à fonctionner à l’année avec l’accueil de compagnies de toute la France. Nous allons essayer de structurer le projet et convaincre les partenaires des Territoires, les DRAC, les Tutelles et le ministère de la Culture de nous soutenir. Plus les compagnies seront nombreuses et plus de nouvelles structures à activités pérennes vont se développer et s’installer à Avignon. Je pense aux décors, aux costumes, aux techniciens ou aux sociétés de production. Ces lieux de scène sont des gisements pour la ville d’Avignon qui a besoin d’activités toute l’année. Ça mettrait une brique de plus dans le dispositif culturel dans le cadre de la décentralisation.
Par ailleurs, c’est le deuxième volet de La Factory, on a une deuxième salle, la Salle Tomasi, où à l’année je soutiens des compagnies émergentes du territoire avec un statut d’artiste associé. Je les accompagne deux à trois ans pour qu’elles puissent proposer une création à la Chapelle des Antonins. Dans cette troisième salle ne sont programmées que des jeunes compagnies qui débutent et qui privilégient l’écriture contemporaine assez engagée.
Souhaitez-vous présenter votre programmation pour le Festival ?
Cette programmation est de plus en plus cohérente parce qu’elle est riche et forte des compagnies que je soutiens à l’année qui souvent veulent venir l’été. Souvent pour le OFF, on programme des pièces qui se sont créées pendant les résidences. Par exemple pour le OFF 2022, il y a des pièces qui se sont créées dans nos murs. Je pense à Caligula (Compagnie des Perspectives) ou Fantasio (Compagnie L’Eternel été) et La Folle de Chaillot (Comédiens et Compagnie) qui ont connu un énorme succès pour le Mois Molière à Versailles, mais aussi à La revanche de Viviane Rose (Compagnie Jackie Star). La programmation du Théâtre de L’Oulle est pluridisciplinaire et correspond aux résidences que nous offrons à l’année c’est à dire du théâtre, de la danse contemporaine ou urbaine, un peu de circassien. On retrouve cela l’été avec une recherche d’excellence, des enjeux scénographiques et du monde au plateau. C’est en général huit spectacles d’excellence par jour pendant le OFF. Pour la Salle Tomasi, on est sur des Compagnies plutôt soutenues par le théâtre public en raison de thématiques engagées, il s’agit de compagnies déjà repérées. Alors qu’à la Chapelle des Antonins, ce sont des écritures contemporaines avec des compagnies émergentes et des sujets forts.
Propos recueillis par Fatma Alilate
Théâtre de L’Oulle
19, place Crillon
84000 Avignon
8 spectacles programmés chaque jour pendant le Festival
La Salle Tomasi
4, rue Bertrand
84000 Avignon
9 spectacles programmés chaque jour pendant le Festival
La Chapelle des Antonins
5, rue Figuière
84000 Avignon
11 spectacles programmés chaque jour pendant le Festival
Billetterie pour les trois salles : 09 74 74 64 90
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