“Quinze rounds” : Richard Bohringer ou la fureur de vivre
A 81 ans, l’acteur et auteur remonte sur le plateau du Théâtre de l’Atelier pour une lecture spectacle de son récit autobiographique « Quinze rounds » (ed. Flammarion). Romane, sa fille, le met en scène en l’entourant de toute sa tendresse. Les voyages, la drogue, l’alcool, l’amour, l’amitié, c’est toute la vie cabossée d’un amoureux des mots qui nous est racontée avec une complicité chaleureuse. Un moment unique.
« Faire ventre avec les mots »
Tout est dit. Pour Richard Bohringer né en 1942 sous l’Occupation, élevé par sa grand-mère et découvrant Saint-Germain-des-Prés en 1960, où sa gouaille et sa plume alerte lui permettent tout juste de survivre, l’écriture doit jaillir des tripes, les mots pulser comme du jazz et envahir l’espace comme une symphonie sauvage. L’enfance un peu dangereuse, l’adolescence rebelle, le jazz, l’alcool poétique des années 60 avec les nuits de délire, l’héroïne pour s’aider à survivre, les voyages et les femmes dans cette éternelle quête d’amour, sont les étapes haletantes de ce voyage au long cours que le succès au cinéma viendra plus tard couronner. Sur scène, l’acteur est assis face à nous, devant un pupitre, dans la simple lumière d’un projecteur. Son imperméable est suspendu à un porte manteau, et de temps à autre des projections de films viennent nourrir les mots précieux, finement agencés par Romane Bohringer. Une interview de l’acteur en jeune homme, des extraits de concert où il chante ses textes, des images volées aux répétitions avec sa fille, le noir et blanc de ces petits films nourrissent notre imaginaire de spectateur.
« Fallait que je m’invente une vie »
Georges Pérec, Antoine Blondin sont ses maîtres, lui qui veut s’inventer une vie de poète, une vie d’artiste. L’enfance a manqué d’argent, l’adolescence manqué de cadre : Richard Bohringer devra vivre mille vies, boire trop d’alcool et fumer trop de cigarettes. Le tabac et la drogue feront de lui un prisonnier dépendant, alors qu’il ne rêve que de grands espaces et de liberté. L’acteur est là, devant nous, les yeux profonds et le sourire généreux, l’humilité en bandoulière avec les marques de la maladie qui attaquent son corps affaibli. La voix est belle, cassée, caverneuse. Et il s’impose avec la majesté de son âge, la vérité de ses aveux, la sincérité de ses secrets aujourd’hui dévoilés. Et il nous embarque, tout simplement, en raison de toutes les qualités dont il fait preuve, sans filtre, avec une belle simplicité. Grâce à l’amour complice, fraternel, pour sa fille Romane, Richard Bohringer nous offre la plus belle des offrandes : une ode à la vie dans ce qu’elle a de plus instinctif, de plus immédiat, de plus magique. Bravo l’artiste !
Hélène Kuttner
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